L’entraîneur du LOSC, Marcelo Bielsa, descend le tapis rouge, le 29 octobre 2017, à Lille. / PHILIPPE HUGUEN / AFP

« Lille Unlimited. » Depuis le rachat du club nordiste par l’homme d’affaires luxembourgeois Gérard Lopez en début d’année, le nouveau slogan s’affiche partout dans la communication du LOSC. Au lendemain du passage à l’heure d’hiver, c’est surtout la débandade qui semble sans limites du côté des Dogues. Battus 1-0 à domicile par un OM pourtant fragile, dimanche en clôture de la 11e journée de Ligue 1, les Lillois pointent à la 19e place, avec six points, soit une victoire et trois matchs nuls en dix rencontres – le match contre Amiens a été arrêté après l’accident survenu au stade de la Licorne. Pour le cinquième budget du championnat (90 millions d’euros), cela commence à faire tache.

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En juin, dans un entretien au Parisien, le nouveau directeur général du LOSC, l’homme d’affaires espagnol Marc Ingla i Mas, se réjouissait d’avoir attiré dans son projet « l’un des meilleurs recruteurs du monde, Luis Campos, et engagé l’un des plus grands entraîneurs de la planète, Marcelo Bielsa ». Le premier se fait très discret depuis la fin du marché des transferts, et le second ressemble aujourd’hui à l’ombre de son ombre ; on commence à s’inquiéter pour ses cervicales tant il fait tête basse.

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« El Loco » n’a plus le cœur à s’énerver, ni même à rien du tout :

« Le jeu n’a rien de particulier, je crois que le déroulement du match est d’une telle évidence que je n’ai pas à ajouter mon analyse. Exprimer autre chose de plus que ce que nous avons vu sur le terrain n’apporte rien. Le style de jeu, le rendement physique, le positionnement sur le terrain ne sont pas des facteurs déterminants pour expliquer la situation actuelle. La personne remise en question depuis plusieurs semaines, c’est moi. »

Posture sacrificielle

Plus incompris tu meurs : le génie argentin s’enfonce dans une posture sacrificielle qui finit par donner des idées à ses propres supporteurs, quelques-uns ayant sollicité sa démission, dimanche soir au stade Pierre-Mauroy. « Leur demande me paraît justifiée », a estimé celui qui a perdu son mojo en devenant « El Losco » (copyright à un supporteur lillois non identifié).

Selon L’Equipe, les dirigeants nordistes aussi commencent à se poser la question, et ce malgré le démenti officiel de Marc Ingla. Le quotidien sportif évoque même des discussions concernant les indemnités de licenciement du technicien et de son staff, sous contrat jusqu’en 2019. Au club, personne ne jette publiquement la pierre à Marcelo Bielsa, peut-être parce qu’il se flagelle très bien tout seul.

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Le mal lillois est assez clairement identifié : avec ses 22 ans de moyenne d’âge, le LOSC s’appuie sur l’équipe la plus jeune d’Europe, qui plus est composée d’une majorité de joueurs découvrant la Ligue 1. « J’espère que ce club n’est pas en train de perdre ses valeurs », estimait dimanche soir Rudi Garcia, entraîneur de l’OM et ancien coach des Dogues champions de France en 2011. « Des anciens que je connaissais bien sont partis, comme [Rio] Mavuba, [Vincent] Enyeama ou [Marko] Basa. Peut-être que ceux-là feraient du bien au LOSC, mais je n’ai pas à juger. »

Mais quand même. Au-delà des choix et du discours de Bielsa, c’est le projet du club qui pose question.

Roue de la fortune

En recrutant des espoirs et en ne misant que sur eux, ce LOSC version Lopez-Ingla rêvait de prendre la vague d’un nouveau modèle économique, celui du club post-formateur, façon AS Monaco, devenu la référence des plus-values records depuis les ventes à prix d’or d’Anthony Martial, de Benjamin Mendy, de Bernardo Silva ou de Tiémoué Bakayoko, dont aucun n’avait été formé au club (contrairement à Kylian Mbappé, exception qui confirme la règle). Un modèle économique où le « trading » de jeunes joueurs devient la roue de la fortune et qui se gave de la bulle inflationniste qui gonfle désormais de manière toujours plus délirante lors de chaque mercato.

« La saison prochaine, nous viserons le top 5 de la Ligue 1. Ensuite, d’ici deux ou trois ans, nous voulons participer à la Ligue des champions, ce qui revient à viser le top 3 de la Ligue 1 d’ici 2019 ou 2020 », annonçait au printemps Marc Ingla, auquel personne ne pourra reprocher d’avoir de l’ambition. Celui qui fut directeur du marketing et de la communication du FC Barcelone (2003-2008) expliquait également que la seule solution pour sortir le club lillois de son déficit structurel, estimé à environ 30 millions d’euros par an, est « d’investir de manière déterminée et intelligente dans le secteur sportif ». Pour l’instant, les dirigeants lillois n’ont validé que la première partie de ce plan, en dépensant cet été quelque 60 millions d’euros pour rénover leur effectif.

Passé le temps du bénéfice du doute, va venir pour le club et ses investisseurs celui des doutes quant à leurs bénéfices. Un domaine où Lille n’est certainement pas « unlimited ».