Kylian Mbappé, le 27 octobre, au Parc des princes. / FRANCK FIFE / AFP

Depuis plusieurs jours, la presse sportive en a fait un événement : le jeune attaquant du Paris-Saint-Germain, Kylian Mbappé, 18 ans, devrait être remplaçant, mardi 31 octobre, pour la réception des Belges d’Anderlecht, en phase de poules de Ligue des champions. C’est la première fois que le prodige, prêté cet été par l’AS Monaco contre la somme record de  180 millions d’euros, va s’asseoir sur le banc depuis son arrivée dans le capitale.

Selon toute vraisemblance, le natif de Bondy (Seine-Saint-Denis) laissera sa place à l’Argentin Angel Di Maria, de dix ans son aîné, alors que le PSG peut, dès mardi soir, valider sa qualification pour les huitièmes de finale de la plus prestigieuse des compétitions européennes. Avec 863 minutes de jeu avalées sur les 900 disputées par son équipe depuis deux mois, Mbappé (4 buts et 4 passes décisives au compteur) semble avoir besoin de recharger ses batteries.

Mais cette sortie temporaire du onze titulaire survient alors que l’ex-apprenti de l’Institut national du football de Clairefontaine (2011-2013), particulièrement mature et exigeant avec lui-même, a vécu un mois d’octobre en demi-teinte. Incisif et efficace dès son intégration au sein de l’armada parisienne, digne pendant de la star brésilienne Neymar et du buteur uruguayen Edinson Cavani, le Francilien n’a pas forcément brillé lors des derniers matchs de sa formation contre Marseille (2-2) et Nice (3-0).

« Un talent qui hiberne »

Cette prétendue mauvaise passe a conduit le journal L’Equipe à se polariser sur la « première période de doutes » que traverserait le jeune homme. Si prompt à ériger Mbappé au rang de plus grand espoir du foot mondial, la saison dernière, lors de l’épopée de l’AS Monaco jusqu’en demi-finales de Ligue des champions, L’Equipe s’attarde aujourd’hui sur le « déchet technique », « les mauvais choix », les dribbles « prévisibles » de l’ailier, enclin à prouver sa valeur et dont l’immense talent « hiberne ».

« La relance par le banc », titre même le journal sportif pour mieux souligner la présumée lassitude morale d’un joueur, « dont le langage corporel confine parfois à la suffisance ». Après le nul arraché par le PSG au Stade-Vélodrome lors du clasico, les observateurs ont, en outre, durement critiqué les propos peu amènes de Mbappé relatifs à la médiocre prestation de l’arbitre Ruddy Buquet. Le prodige alimentant ainsi l’image d’un PSG arrogant, vitrine du football français et donc au-dessus de la mêlée.

Feuille de route

« On ne veut pas faire les victimes, mais certains faits de jeu nous mettent malheureusement des bâtons dans les roues […] La L1 commence à attirer des grands joueurs qui commencent à avoir des équipes de plus en plus compétitives […] Il faut que les arbitres se mettent au niveau, tout simplement », a développé, à chaud, Mbappé.

Cette sortie franche et assumée du joueur tranchait avec ses éléments de langage convenus, servis aux médias depuis son éclosion à l’AS Monaco. Un contraste d’autant plus saisissant que celui qui fêtera, en décembre, ses 19 ans, a intégré très tôt, dès son passage à l’INF Clairefontaine, les fondamentaux d’une communication toute en retenue. Dans la Principauté, le joueur avait coutume de rester dans sa bulle, se contentant de livrer poliment ses analyses, sourire enjôleur et sac à dos sur les épaules, au terme des rencontres.

Prématurées, ces critiques émanant de la presse sportive renvoient à l’écrasante attente suscitée par Mbappé, qui a signé son premier contrat professionnel en… mars 2016, et est aujourd’hui nommé parmi les trente joueurs en lice pour remporter le Ballon d’or. A force d’avaler les records de précocité tel un cheval fou, le jeune homme a nourri l’idée d’une ascension foudroyante, sans limites. Son entourage étant même parfois sidéré par l’enchaînement rapide des événements.

Etape initiatique

Couvé par ses parents, qui gèrent ses intérêts avec l’aide du cabinet d’avocats Verheyden & Cognard, l’attaquant du PSG a en réalité établi, dès son arrivée à l’INF Clairefontaine, une feuille de route à la fois ambitieuse et raisonnée. Programmé pour avoir une carrière au moins à la hauteur d’un Thierry Henry, meilleur buteur de l’histoire de l’équipe de France (51 réalisations), le joueur a constamment mûri ses choix, procédant par étapes. Sa décision de rejoindre le PSG, qui le courtise depuis l’enfance, et de s’imposer dans l’Hexagone avant de rallier un grand club européen, obéit à cette logique.

A l’aune de la trajectoire du jeune homme, ce mois d’octobre délicat doit ainsi être perçu comme une phase incontournable, une étape initiatique, dans son apprentissage du haut niveau et de ses codes. L’entraîneur du PSG, Unai Emery, ne dit pas autre chose : « On parle d’un joueur qui a débuté au plus haut niveau l’an dernier, c’est normal qu’il soit dans un processus d’apprentissage. J’ai fait dans ma tête une idée du futur, c’est le PSG champion et Mbappé champion. » Raison supplémentaire pour considérer les récentes « difficultés » de l’attaquant parisien comme un non-événement.