La date est d’importance pour les candidatures de la France, de l’Irlande et de l’Afrique du Sud. Les trois pays désireux d’organiser la Coupe du monde 2023 sauront lequel d’entre eux part favori, mardi 31 octobre à la mi-journée, à la lumière d’un rapport d’évaluation rendu public par la fédération internationale, World Rugby. Un simple avis consultatif, soit, mais jusque-là toujours annonciateur de la tendance gagnante aux élections. Les fédérations nationales et régionales voteront cette fois le 15 novembre à Londres.

Cet avis provient de la société commerciale chargée d’exploiter la Coupe du monde. Sa « recommandation » repose sur des critères économiques et sportifs (« finances, commercial et engagements » ; « stades et villes d’accueil » ; « infrastructure du tournoi » ; « vision et concept »  ; « tournoi, organisation et programme »). Des « experts internes et externes » l’ont réalisé, précise World Rugby dans un communiqué, avec l’agence anglaise The Sports Consultancy, censée assurer un processus « indépendant et transparent ».

A quelques heures de la publication du rapport, rappel des arguments que chaque candidature avait déjà fait valoir lors d’un grand oral de présentation, le 25 septembre, à Londres également.

  • La France promet des « revenus records »

Bernard Laporte, le 25 septembre 2017, à Londres. / Alastair Grant / AP

Alors que son nouveau président, Bernard Laporte, incarne la candidature tout en étant visé par une enquête administrative pour des soupçons de favoritisme envers le club de Montpellier, la Fédération française de rugby (FFR) estime qu’elle dispose d’un argument essentiel en vue du Mondial. Claude Atcher, directeur du dossier, a promis « des revenus records pour World Rugby » en 2023... selon une étude commandée par ses soins. Cela, alors que l’édition 2015 anglo-galloise avait déjà entraîné des bénéfices inédits de 210 millions euros.

Outre ces prévisions fort optimistes, la FFR s’est déjà engagée à verser près de 400 milions d’euros de garantie financière à World Rugby : 171 millions d’euros par l’intermédiaire de l’Etat pour payer les droits d’organisation, puis 236 millions d’euros par la Société générale pour couvrir le déroulé de l’événement. Un total supérieur à celui des deux autres nations.

La candidature française s’appuie, par ailleurs, sur une expérience logistique en matière de grands événements sportifs : Mondial 2007 de rugby, Coupe du monde 1998 et Euro 2016 du football, avant même les Jeux olympiques 2024 à Paris.

Ambassadeurs : à la différence de ses deux concurrentes, la délégation française s’est rendue à Londres en septembre sans le président de la République, Emmanuel Macron, ni son numéro 2, le premier ministre Edouard Philippe.

La ministre des sports Laura Flessel est venue aux côtés des anciens internationaux Sébastien Chabal et Frédéric Michalak. Pendant la présentation, deux enfants de 7 et 8 ans ont fait aussi leur apparition : ceux de Jonah Lomu, la star néo-zélandaise décédée en 2015, qui avait joué brièvement à Marseille.

  • L’Irlande invoque sa « diaspora »

Johnny Sexton, le 7 février 2016, à Dublin. / PAUL FAITH / AFP

Les Irlandais entendent faire de leur inexpérience un atout. A la différence de l’Afrique du Sud (1995) et de la France (2007), l’Eire n’a jamais encore organisé la compétition, même si elle vient d’accueillir le Mondial féminin à l’été 2017. Pour leur grand oral londonien, un argument à même de séduire des dirigeants de World Rugby en quête d’expansion a été avancé : un Mondial en Irlande favoriserait le développement de ce sport.

Le premier ministre de la République d’Irlande, Leo Varadkar, a évoqué la présence considérable de « la diaspora irlandaise » à travers le monde. Notamment en Amérique du Nord, où la fédération internationale rêverait de conquérir de nouvelles parts de marché.

Sans se livrer à un pronostic de recettes exponentielles comme l’a fait la France, l’Irlande s’est contentée de garantir à World Rugby son ticket d’entrée pour les droits d’organisation : 136 millions d’euros.

Ambassadeurs : l’ancienne gloire Brian O’Driscoll a joué les promoteurs à Londres, en compagnie du premier ministre irlandais, Leo Varadkar. Ce dernier a ajouté que la première ministre britannique, Theresa May, avait déjà soutenu l’Irlande dans une lettre à World Rugby.

L’Irlande a par ailleurs transmis, à distance, le message soutien de deux vedettes extrasportives : Bono, le chanteur du groupe U2, ainsi que l’acteur nord-irlandais Liam Neeson.

  • L’Afrique du Sud mise sur sa « bière » trois fois moins chère

Nelson Mandela et François Pienaar, lors du titre sud-africain au Mondial 1995, à Johannesburg. / © Mark Baker / Reuters

Les promoteurs de la candidature sud-africaine ont mis en avant les infrastructures sportives et hôtelières déjà existantes dans le pays. Les huit stades retenus comprennent entre 40 000 et 94 000 places, soit des jauges encore supérieures à celles de la France.

Le pays peut déjà se prévaloir de plusieurs grands événements déjà organisés sur son sol. La Coupe du monde 1995 de rugby, qu’elle avait remportée dans un contexte post-apartheid, mais aussi le Mondial 2010 de football.

L’Afrique du Sud, qui demeure sur trois candidatures malheureuses pour le Mondial de rugby (2011, 2015 et 2019), a également donné des gages financiers à World Rugby : outre les recettes escomptées, elle a assuré de verser 182 millions d’euros en guise de droits d’organisation.

Autre argument, plus houblonné : « Là où vous pouvez acheter une bière en France, vous pouvez en acheter trois en Afrique du Sud », a affirmé le directeur général de la Fédération sud-africaine de rugby, Jurie Roux, présumant que le faible coût de la vie pourrait séduire les touristes-consommateurs. De surcroît pendant le printemps australien, alors que la période du Mondial correspondra à l’automne en France et en Irlande.

Ambassadeurs : à Londres, la délégation avait fait le déplacement de septembre avec à sa tête le vice-président de la République sud-africaine, Cyril Ramaphosa. Egalement présent, le ministre des sports, Thulas Nxesi, ainsi que les capitaines déjà champions du monde avec les Springboks : François Pienaar (1995) et John Smit (2007).