Sébastien Ogier a décroché un cinquième titre de champion du monde des rallyes, dimanche 29 octobre, au pays de Galles. / GEOFF CADDICK / AFP

D’habitude, c’est avec une certaine retenue que Sébastien Ogier célèbre ses victoires. Mais à l’arrivée de la dernière spéciale du rallye de Grande-Bretagne, le Français n’a pas contenu son émotion. À une manche de la fin du championnat (du 16 au 19 novembre en Australie), le Gapençais s’est assuré, avec son copilote Julien Ingrassia, un cinquième titre de champion du monde. Conquise au volant d’une voiture privée du team M-Sport (rejoint après le retrait brutal de Volkswagen en fin de saison dernière), cette couronne a un goût particulier pour le deuxième pilote le plus sacré de l’histoire de son sport. Désormais à quatre titres de Loeb, le « deuxième Sébastien » n’a toujours pas décidé de la suite de sa carrière, comme il le raconte au Monde.

Vous êtes devenu le deuxième pilote sacré champion du monde au volant d’une voiture privée, après Ari Vatanen en 1981. Ce cinquième titre a-t-il une saveur particulière ?

Sébastien Ogier Les personnes qui ont suivi dimanche l’arrivée de la course en direct ont pu voir mon émotion et mon soulagement au moment où le titre a été validé. Ç’a été une saison très intense. On savait qu’un challenge très relevé nous attendait après le changement d’équipe à la dernière minute l’an passé. Mais j’y ai cru. Je me sentais dans la peau de quelqu’un qui n’avait plus rien à prouver. C’était un défi de conserver le titre dans une équipe bien plus modeste. J’ai le sentiment d’avoir accompli ma mission de l’année. J’en suis fier.

Quels sont les principaux changements pour un pilote passant d’une écurie usine à une équipe privée ?

La première difficulté a été de signer au tout dernier moment pour M-Sport, Volkswagen décidant la fin de son programme en rallye à la dernière minute. Nous n’avons donc pas eu de préparation en amont ni le temps de connaître la voiture et les personnes avec lesquelles nous allions travailler.

« Chez M-Sport, il a fallu une moitié de saison pour s’acclimater »

Je n’ai pas participé au développement de la voiture, qui n’était pas préparée comme je le souhaitais. Il a fallu une moitié de saison pour s’acclimater et la régler comme je le désire. En termes d’effectif, il y a autant de personnes que ce que j’ai connu chez Volkswagen, mais les moyens financiers sont plus faibles. Ça laisse moins de possibilités d’essayer de nouvelles pièces ou des matériaux meilleurs, plus légers – une multitude de petits détails possibles au sein d’une écurie usine.

Avec le changement de réglementation, les voitures étaient plus rapides cette saison. Est-ce frustrant de ne pas la vivre dans une équipe capable de vous fournir la meilleure voiture possible ?

La sortie de Volkswagen l’année dernière a été un choc. On avait travaillé dur, préparé la nouvelle voiture, fait énormément d’essais. Jeter tout ça à la poubelle a été frustrant. Je ne suis pas du genre à regarder dans le rétro. Malgré les moments difficiles, je n’ai pas ressenti de frustration. On a fait le dos rond et réussi des performances remarquables la plupart du temps. J’ai quand même eu la chance de conduire cette nouvelle génération de voitures, plus performantes.

Vous arrive-t-il de prendre un peu de recul et de réfléchir à la marque que vous laisserez dans l’histoire de votre sport ?

Je commence à m’en rendre compte. Les statistiques ne sont pas ma première préoccupation mais je suis quand même le deuxième pilote de l’histoire en termes de titres mondiaux et de victoires en rallyes [40, derrière Sébastien Loeb (78)] et le troisième à être sacré avec deux marques différentes [Volkswagen de 2013 à 2016, M-Sport en 2017]. Ces résultats montrent quelque chose.

Vous êtes le deuxième Français le plus titré dans l’histoire du sport automobile, désormais devant Alain Prost, quatre fois champion du monde de F1. Pourtant, vous ne bénéficiez pas de l’attention et des sollicitations que pourrait impliquer ce statut.

Le but premier n’a jamais été de devenir célèbre mais d’assouvir ma passion, de prendre du plaisir. Je sens quand même une notoriété grandissante, dans le monde entier. J’apprécie d’avoir une vie privée relativement calme en dehors des courses. Sébastien Loeb a été le premier à devenir cinq fois champion du monde et, comme pour toutes les premières fois, il y a forcément eu une attention particulière.

C’est quand même dommage qu’un titre de champion du monde de rallye pour un Français soit devenu banal. J’ai l’impression que le jour où cette série incroyable s’arrêtera, les gens réaliseront ce que nous avons fait [depuis 2004, la France a remporté les quatorze derniers titres de champion du monde pilote].

Y a-t-il une relève en France ?

Un autre Français peut arriver derrière et faire de belles choses. Il y en a quelques-uns dans le cadre du WRC-2 [antichambre du WRC, l’élite mondiale du rallye], mais le rallye est un sport où l’expérience est importante. Il faut que l’un d’entre eux ait la chance de faire une ou deux saisons avant de passer un cap. Ce n’est pas sûr que la série incroyable de victoires françaises se poursuive.

Avez-vous pris une décision quant à votre avenir personnel ?

On y travaille. Ce n’est pas encore validé pour l’instant. J’ai besoin d’avoir tous les éléments en mains avant de me lancer sur un projet. La saison prochaine approche à grands pas, le rallye de Monte Carlo arrive vite. Il ne va plus falloir traîner.