Le triplé russe sur 50 km, discipline reine du ski de fond, avait été l’apogée des Jeux d’hiver dominés... et manipulés par la Russie. | Charlie Riedel / AP

Il était le dernier champion olympique de Sotchi, récompensé par Vladimir Poutine lui-même dans le stade olympique lors de la cérémonie de clôture. Le voilà premier déchu pour dopage, sur décision du Comité international olympique (CIO) annoncée le mercredi 1er novembre. Il est également interdit de participer aux Jeux olympiques à l’avenir.

Le triplé russe du 50 km devient un doublé, en attendant d’éventuelles sanctions visant les deux autres médaillés, et la Russie perd sa médaille d’argent du relais 4 × 10 km, que récupérera le quatuor français.

Alexandre Legkov, l’un des meilleurs fondeurs du monde depuis dix ans, a été convaincu de dopage par la commission Oswald, chargée d’étudier les cas dénoncés en 2016 dans le rapport McLaren sur la base des révélations de Grigory Rodchenkov, ancien directeur du laboratoire antidopage de Moscou.

M. Rodchenkov, réfugié aux Etats-Unis où il bénéficie du programme de protection des témoins, avait révélé dans la presse le système de dopage organisé dans l’ensemble du sport russe et de dissimulation des contrôles positifs, qui avait culminé lors des Jeux d’hiver de Sotchi. Legkov était l’un des noms les plus ronflants qu’il avait cités, documents à l’appui, et était suspendu… jusqu’au 31 octobre 2017.

Vérification des échantillons

Ces derniers mois, la commission mise en place par le CIO, dirigée par le Suisse Denis Oswald – membre influent de l’instance olympique, a répété, de manière plus approfondie, le travail des enquêteurs de l’Agence mondiale antidopage (AMA) afin de le rendre défendable devant la justice. Il s’agissait analyser les échantillons restants des JO de Sotchi pour vérifier s’ils contenaient des substances dopantes et, surtout, s’ils avaient été manipulés afin d’échanger l’urine ou de rendre impossible son analyse.

Selon toute vraisemblance, elle devrait arriver aux mêmes conclusions et suspendre la majeure partie des 28 sportifs russes déjà identifiés dans le rapport McLaren. Legkov et l’anonyme Evgueni Belov, lui aussi suspendu par le CIO ce mercredi (mais non médaillé à Sotchi), avaient été auditionnés ces derniers jours par la commission, en compagnie d’autres skieurs russes. Des décisions sont à attendre d’ici la fin du mois, notamment concernant Maxime Vylegzhanin, deuxième du 50 km de Sotchi.

Dans un communiqué, le cabinet d’avocat allemand Wieschemann, défenseur des athlètes russes, conteste l’existence de preuves contre Legkov et Belov et parle d’un « scandale ». « La décision est une insulte à la volonté du président du CIO Thomas Bach de trancher uniquement sur la base de preuves sûres », écrit-il, annonçant son intention de contester la suspension devant le Tribunal arbitral du sport.

Cette première suspension ne doit pas préjuger de la décision que prendra le comité exécutif du CIO en décembre au sujet de la participation éventuelle des sportifs russes aux Jeux olympiques de Pyeongchang.

L’Agence mondiale antidopage (AMA) pourrait, lors du conseil de fondation réuni le 16 novembre à Séoul, donner un avant-goût de la décision du CIO, lorsqu’elle statuera sur un éventuel retour en grâce de l’agence russe antidopage, mise au ban en novembre 2015.

La vice-présidente de l’AMA hausse le ton

Dans un courrier remis aux deux dirigeants de l’AMA, le président Craig Reedie et le secrétaire général Olivier Niggli, la vice-présidente de l’agence Linda Helleland, ministre norvégienne de la Culture, a plaidé pour que l’AMA n’élude pas, à cette occasion, la question de la participation russe aux Jeux de Pyeongchang.

« J’ai souligné l’importance pour nous de regarder les conséquences du rapport McLaren, a-t-elle dit au site spécialisé Inside the Games. C’est-à-dire le traitement du millier de cas [de dopage ou de manipulation évoqués dans le rapport] et la question de savoir si l’AMA doit recommander au CIO et au Comité international paralympique de ne pas envoyer d’athlètes sous la bannière russe en Corée du Sud, comme elle l’a fait avant Rio 2016. »

A l’époque, l’AMA avait suggéré que la Russie soit privée de Jeux olympiques d’été mais n’avait été suivie que par le Comité international paralympique, le CIO renvoyant la balle aux fédérations à quelques semaines des Jeux.

Le feuilleton du scandale de dopage organisé en Russie n’est donc pas tout à fait terminé, trois ans après ses premiers feux. Mais que ceux qui se lassaient se rassurent : avec cette première suspension prononcée par le CIO, il vient d’entrer dans sa dernière phase.