Le « speaker » de la Chambre des représentants, Paul Ryan, et le président américain, Donald Trump, à la Maison Blanche, le 2 novembre 2017. / CARLOS BARRIA / REUTERS

Le Parti républicain a finalement abattu ses cartes, jeudi 2 décembre. Le speaker (président) de la Chambre des représentants, Paul Ryan, a présenté le détail de la grande réforme fiscale que l’administration de Donald Trump espère voir rapidement adoptée par le Congrès pour pouvoir afficher au moins une avancée dans la perspective des élections de mi-mandat, dans un an, après neuf mois de revers à répétition sur l’immigration ou la couverture santé.

Le texte de plus de quatre cents pages comporte de grands axes et une multitude de dispositions particulières qui vont faire l’objet d’examens attentifs. Les principes défendus par le président étaient connus de longue date. Comme prévu, la réforme comprend une baisse massive de l’impôt sur les sociétés dont le taux passera de 38 % à 20 %. Cette baisse s’inscrit dans le cadre du « réarmement » économique des Etats-Unis face à une concurrence internationale que le président ne cesse de décrire comme biaisée.

Comme prévu également, le nombre de tranches pour les particuliers est ramené de sept à quatre. La tranche supérieure de 39,6 % a été maintenue à la dernière minute pour tenter de contrer les accusations dénonçant déjà une réforme favorable aux plus riches, mais le seuil de son application a été relevé. La suppression programmée (dans six ans) de « l’impôt de la mort » qui vise les successions profitera théoriquement à tous, mais dans les faits elle profitera mécaniquement le plus aux Américains les plus fortunés.

Les experts prévoient un accroissement du déficit

Ce projet de réforme entérine une mue républicaine. Alors que tous les candidats à l’élection présidentielle de 2016 plaidaient pour une simplification d’un code des impôts particulièrement touffu, les conservateurs fiscaux, notamment ceux arrivés au Congrès portés par la vague quasi insurrectionnelle du Tea Party, en 2010 et en 2012, ont longtemps écarté une réforme fiscale creusant le déficit fédéral.

Le projet présenté jeudi va pourtant bien produire ce résultat, en dépit de la suppression d’une multitude de niches fiscales. M. Ryan a affirmé que cette réforme visait à relancer la croissance. M. Trump assure que son effet produira des recettes supplémentaires qui contribueront à son autofinancement. Les experts expriment leurs doutes, notamment ceux du Tax Policy Center, un think tank non partisan, qui prévoient un accroissement du déficit de l’ordre de 2 700 milliards de dollars (2 300 milliards d’euros) au cours de la prochaine décennie.

Les réactions ont été partagées

Le président envisageait initialement un plan plus ambitieux qui comprenait une baisse encore plus importante de l’impôt sur les sociétés (jusqu’à 15 %) et la suppression de la tranche supérieure d’imposition. Un peu moins coûteux pour les finances publiques, le projet de jeudi aura un effet d’entraînement plus réduit.

Les débats ouverts par les suppressions ou le plafonnement des niches fiscales risquent par ailleurs d’être animés, notamment pour celui qui concerne les déductions d’intérêts d’emprunt immobilier, alors que celles s’appliquant à l’épargne retraite ont été maintenues pour éviter un tollé. Les cours des entreprises du bâtiment ont d’ailleurs immédiatement plongé jeudi. Les républicains du Congrès savent qu’ils ne pourront guère compter sur la mansuétude des démocrates qui ont dénoncé jeudi, par la voix du chef de la minorité sénatoriale, Chuck Schumer, « un plan qui va aggraver l’injustice et les inégalités ». Les démocrates vont déplacer le débat sur le sort de la classe moyenne dont une partie pourrait pâtir des mesures annoncées.

Dans le camp républicain, les réactions ont été partagées. Le militant des coupes fiscales Grover Norquist s’est félicité de mesures « attendues depuis longtemps » qui sont, selon lui, autant « de bonnes nouvelles pour les contribuables ». La Fédération nationale de l’entreprise indépendante, un groupe de pression en faveur des petites entreprises proche du Grand Old Party, a annoncé au contraire son opposition au projet de réforme. La Chambre de commerce des Etats-Unis, qui représente l’aile probusiness du Parti républicain, a estimé de son côté que le plan avait encore besoin d’être amélioré. Le calendrier fixé est pourtant ambitieux, puisque l’administration Trump espère une adoption définitive avant la fin de l’année.