Editorial. En désignant Jerome Powell pour présider la Réserve fédérale (Fed), Donald Trump, une fois n’est pas coutume, fait preuve de mesure. Parmi les trois favoris dont les noms circulaient ces derniers jours, le président américain a fait un choix consensuel pour occuper ce poste crucial pour la marche de l’économie mondiale.

Reconduire Janet Yellen à la tête de la banque centrale américaine aurait sans doute suscité une certaine incompréhension de la part de la majorité républicaine au Congrès. En effet, celle-ci n’a cessé de critiquer sa politique accommodante consistant à relever les taux d’intérêt avec une infinie prudence.

Nommer John Taylor, considéré comme partisan d’une approche plus agressive, aurait eu l’avantage de contenter l’aile conservatrice du parti. Mais c’était aussi prendre le risque d’envoyer un message déstabilisant aux marchés financiers : la fin de l’ère de l’argent bon marché, qui a porté la Bourse à des records historiques.

Favorable à un assouplissement de la réglementation

Le choix de M. Powell a l’avantage de ne braquer ni les uns ni les autres. Républicain lui-même, il a été sous-secrétaire au Trésor sous George H. W. Bush. Pourtant, depuis que M. Powell est entré au conseil de la Fed, en 2012, ce profil ne l’a pas empêché de voter systématiquement, comme Mme Yellen, en faveur d’une hausse très progressive des taux.

Rien ne dit que M. Powell n’évoluera pas sur la question en fonction de la conjoncture et des équilibres politiques au sein de la Fed, alors que trois postes de gouverneur sont encore à pourvoir. Mais, ce qui a sans doute emporté la décision de M. Trump, c’est que le futur président de la Fed est favorable à un assouplissement de la réglementation financière mise en place dans la foulée de la crise de 2008. Or, l’une des priorités du président américain consiste justement à revenir sur cette législation accusée de ralentir la croissance.

Si la décision de M. Trump est finalement le fruit d’un compromis, cette nomination est néanmoins inédite à plus d’un titre. D’abord, de façon assez inhabituelle dans ce genre d’exercice, le président américain n’a pas hésité à communiquer sa présélection, laissant planer le doute sur ses intentions véritables.

Un choix est plutôt raisonnable

Ensuite, comme dans un jeu de télé-réalité, il a organisé un vote informel à main levée auprès des sénateurs républicains (le Sénat doit in fine approuver la nomination). Une partie d’entre eux ont d’ailleurs refusé de se prêter au jeu, soulignant son caractère fort peu conventionnel. Quelques jours plus tard, le président allait même jusqu’à demander de façon insistante à un journaliste de Fox News qui l’interrogeait quel candidat il préférait. Durant cette phase de sélection, Trump n’a donc pas résisté à la tentation de faire du Trump.

Le titulaire du poste n’est pas docteur en économie, du jamais-vu en trente ans

La désignation de M. Powell rompt par ailleurs, pour la première fois depuis 1978, avec la coutume bipartisane qui veut qu’un président américain reconduise systématiquement le président de la Fed désigné par son prédécesseur. Enfin, last but not least, le titulaire du poste n’est pas docteur en économie – M. Powell est juriste –, du jamais-vu en trente ans.

Surprenant dans la forme, le choix est donc plutôt raisonnable sur le fond. Il y a quelques jours, le président américain a annoncé, dans un message vidéo, que « tout le monde [allait] être impressionné ». A l’aune de cette promesse, la désignation de M. Powell peut sembler décevante, mais, en ce qui concerne un poste aussi sensible, on ne peut que se sentir soulagé d’un tel manque d’audace.