A Saint-Martin, le 7 octobre. / Amblard Florianne/SIPA / SIPA

Promesse tenue ! Dans le sillage d’Emmanuel Macron, qui aime répéter qu’il fait ce qu’il dit, Edouard Philippe devait se rendre, dimanche 5 et lundi 6 novembre, sur les îles dévastées de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, comme il s’y était engagé après le passage de l’ouragan Irma le 6 septembre. Le premier ministre devait notamment assister lundi à la rentrée des classes dans une école primaire de Quartier-d’Orléans (Saint-Martin), moyen de montrer que la vie reprend ses droits.

« Au-delà de la promesse tenue, l’objectif de cette visite est de montrer que l’Etat est auprès des sinistrés même une fois l’émotion passée, explique-t-on à Matignon. On ne cherche pas à faire un coup de com’mais à montrer de la considération dans la durée. » Preuve de cette sollicitude, cinq membres du gouvernement accompagnent M. Philippe : Jean-Michel Blanquer (éducation nationale), Annick Girardin (outre-mer), Laura Flessel (sports), Sébastien Lecornu (écologie) et Jean-Baptiste Lemoyne (affaires étrangères).

Premier à se rendre à Saint-Martin le 12 septembre, six jours après le passage d’Irma, Emmanuel Macron avait reçu un accueil musclé, de nombreux habitants l’apostrophant sur le manque de secours ou l’impréparation des pouvoirs publics. A Matignon, on veut croire que la visite du premier ministre sera plus apaisée. « On sort progressivement du provisoire », justifie l’entourage d’Edouard Philippe, dont ce sera la première visite officielle outre-mer. « La vie a repris, les urgences ont été réglées et aujourd’hui on est dans la partie reconstruction », a abondé Mme Girardin vendredi 3 novembre sur RTL.

« Abandon de poste »

Pour autant, la situation sur place reste difficile. La rentrée des classes vantée comme « normale » par l’exécutif ne le sera pas vraiment. Sur les 21 établissements scolaires de Saint-Martin, cinq ont été détruits et devront être reconstruits. Les 16 restants ouvriront bien leurs portes, mais les élèves ont dû être répartis entre les différentes écoles. Un quart d’entre eux, partis poursuivre leur scolarité en Guadeloupe ou en métropole, ne seront pas présents au retour des vacances de la Toussaint.

Autre difficulté, nombre d’enseignants, ayant perdu tous leurs biens pour certains, ont fui l’île franco-néerlandaise après le passage d’Irma. Selon nos sources, une petite centaine manque toujours à l’appel. Au lendemain de l’ouragan, ils étaient 300 à 400, soit la moitié environ des effectifs, à avoir quitté l’île. « Pour moi, c’est de l’abandon de poste pour ceux qui ne sont pas revenus », a critiqué Mme Girardin. Des sanctions, consistant notamment en un retrait de salaire à partir de novembre, seraient envisagées. Pour subvenir aux besoins pédagogiques et assurer le dispositif, des contractuels ont été embauchés.

Pour le reste, assure le délégué interministériel à la reconstruction de Saint-Martin et Saint-Barthélémy, Philippe Gustin, sur les 20 000 constructions touchées par Irma, 20 % ont été totalement détruites, 20 % ont peu souffert, les autres ayant été plus ou moins endommagées. « Ce qui a été fait en urgence, c’est de mettre au sec le plus grand nombre d’habitations », précise M. Gustin, qui doit rendre un rapport sur la reconstruction au premier ministre le 10 novembre. Mais la situation restera compliquée pour nombre d’habitants : on estime à 40 % seulement le nombre de propriétaires assurés et à 60 % celui des locataires.

80 millions de dégâts agricoles

A fin octobre, selon Philippe Gustin, 80 % environ des Saint-Martinois avaient à nouveau accès à l’eau potable, avec des coupures pour certains d’entre eux. Si le réseau de téléphonie mobile est rétabli, il n’en est pas de même pour les lignes fixes, ce qui pose des problèmes pour la connexion à Internet, particulièrement à Saint-Barthélemy.

A Saint-Martin,  au moins 4 800 voitures ont été déclarées sinistrées après l’ouragan Irma. / Aurelien Morissard / IP3

Autre défi à Saint-Martin, celui du parc automobile. Le nombre de déclarations de sinistres atteindrait 4 800 pour les seuls véhicules assurés, sachant qu’ils ne le sont pas tous. 80 % de ces véhicules devraient être déclarés en épaves. Le sort de ces milliers de véhicules est un casse-tête. Un seul carrossier-dépollueur-recycleur existant sur l’île, il sera vraisemblablement nécessaire de les expédier en Guadeloupe. Il va aussi falloir trouver 4 000 véhicules de remplacement, d’occasion en majorité.

De même, les bananeraies de Guadeloupe sont détruites à plus de 80 %. A Saint-Barthélémy, c’est le secteur de la pêche qui est sinistré. Les dégâts agricoles causés par Irma mais aussi par Maria et Lee, deux autres ouragans passés à proximité en septembre, sont estimés entre 70 et 80 millions d’euros. Le coût du dispositif d’intervention (secours, forces de l’ordre, vivres et eau livrés, bâches…) s’élèverait à quelque 60 millions d’euros.

Démonstration de son envie de « réparer », Edouard Philippe devrait annoncer lors de sa venue à Saint-Martin l’octroi d’une aide exceptionnelle aux foyers les plus défavorisés de l’île, sous la forme d’une carte prépayée appelée « Cohésia ». A la demande des autorités locales, elle ne pourra être utilisée que dans la partie française de l’île et non côté néerlandais. Elle pourrait concerner quelque 3 000 personnes et devrait correspondre à une aide plafonnée à 900 euros par foyer (300 euros par adulte et 100 euros par enfant).