Manifestation contre le projet TDN Thor, à Narbonne, le 13 mai. / BalaiFaubert/Wikimedia/Creative Commons 4.0

Les rues de Narbonne ont vu défiler, dimanche 5 novembre, entre 2 000 et 3 000 personnes contre un projet d’Areva. Il s’agit d’une sorte d’incinérateur – le « TDN Thor », comme « traitement des nitrates » –, qui pourrait cracher dans l’atmosphère, sous les vents dominants aux portes de la ville la plus peuplée du département de l’Aude, des millions de mètres cubes de fumées toxiques. C’est du moins la crainte d’associations qui pointent des rejets d’oxydes d’azote, de benzène, d’arsenic, de particules fines mais aussi d’ozone. Des habitants et des élus réclament ainsi l’arrêt ou la réévaluation du projet, que le préfet du département doit examiner avant le 9 novembre.

Les craintes des opposants pourraient être encore plus vives s’ils prenaient en compte la totalité du problème. Le projet TDN Thor est en effet lié à l’exploitation de l’usine Areva Malvési, spécialisée dans la transformation d’uranium naturel à destination des centrales nucléaires. Ce site, tristement connu pour de graves dysfonctionnements, croule aussi sous les déchets radioactifs. Le TDN Thor est censé résoudre en partie cette épineuse question : il devrait permettre de résorber certains bassins de stockage de résidus et transformer une partie des rejets liquides en déchets ultimes stockables ailleurs.

Pour l’heure, les opposants restent focalisés sur le procédé mis en œuvre par Thor. D’après Rubresus, une association locale de protection de l’environnement, celui-ci pourrait émettre jusqu’à 350 millions de m3 de fumées nocives par an. Le directeur d’Areva Malvési, Stéphan Jolivet, voit dans ce chiffre une extrapolation abusive, puisque ces rejets seront surtout composés à 56 % d’azote (un gaz neutre), à 24 % d’eau, à 9 % de dioxyde de carbone et à seulement 0,02 % d’oxydes d’azote (NOx).

Le fruit de vingt-cinq ans de recherche

Particulièrement dénoncées par les militants, les émissions en NOx représenteraient au total 38 tonnes par an. Or, ce chiffre est à relativiser, selon Maryse Arditi, présidente de l’association environnementale Eccla : « Jusqu’en 2014, l’usine émettait plus de 150 t de NOx par an. Grâce à une amélioration des procédés, ces émissions sont tombées à 82 tonnes en 2015. Même en ajoutant le TDN Thor, les rejets de NOx n’atteindraient pas ceux d’avant 2014 », estime-t-elle.

La qualité de l’air à Narbonne, située dans une région ventée, est d’ailleurs plutôt bonne, et « les mesures du taux de NOx n’y montrent pas d’anomalies », selon Fabien Boutonnet, directeur du réseau indépendant AtmoOccitanie. Y compris avant 2014. A titre de comparaison, le tronçon d’autoroute situé au sud de la ville émet jusqu’à 600 t de NOx par an, soit bien plus qu’Areva Malvési – l’usine spécialisée dans la transformation d’uranium à destination des centrales nucléaires – et TDN Thor réunis.

Pour André Bories, le président de Rubresus, qu’importent les chiffres : selon lui, les rejets du TDN Thor restent comparables à ceux d’un incinérateur, ce que nierait Areva « juste pour éviter la réglementation qui encadre ce type d’installations ». En outre, le TDN n’aurait été testé qu’à l’échelle pilote, sur des échantillons synthétiques.

Deux points que Stéphan Jolivet réfute aussi. « Ce qui se passe dans le TDN Thor est l’exact inverse d’une combustion : il n’y a pas de flammes et les rejets sont différents », assure le directeur d’Areva Malvési. Interrogés sur ce point, trois chimistes n’ont pu le confirmer à la seule lecture des rapports. Enfin, loin d’être expérimentale, « la technologie Thor est employée depuis 1999 pour traiter des déchets radioactifs au sein de l’Erwin ResinSolutions Facility, dans le Tennessee », avance M. Jolivet. Contacté, Erwin ResinSolutions Facility n’a pas souhaité s’exprimer sur la nature exacte des déchets radioactifs traités.

Finalement, certains opposants au projet murmurent que le TDN Thor ne fera que vaporiser aux quatre vents les éléments radioactifs des bassins. « Il existe d’autres méthodes moins polluantes et moins coûteuses », insiste André Bories, qui reconnaît ne pas être un spécialiste de la question. « Ce choix est le fruit de vingt-cinq ans de recherches et va nous coûter 300 millions d’euros, insiste pour sa part le directeur d’Areva Malvési. Si nous avions pu faire autrement, nous l’aurions fait. »