Théodore Bayoux, alias « Trapa », ne refuse aucun selfie. Entre deux matchs commentés en direct du stand Clash Royale de la Paris Games Week, l’événement le plus attendu par les amateurs de jeux vidéo en France, qui se tenait ce week-end à Paris, des dizaines de fans attendent pour passer quelques secondes avec celui dont la chaîne YouTube frôle les 615 000 abonnés. La popularité acquise par l’e-sport a permis l’émergence d’une nouvelle génération de commentateurs. Certains réussissent à en faire leur principale source de revenus. Théodore, lui, vit actuellement un entre-deux, sur la voie de la professionnalisation. Selon nos estimations, cette « activité » lui procurerait un smic en moyenne.

Apprécié pour l’enthousiasme qu’il dégage au micro et son expertise du jeu, cet étudiant en droit bordelais s’est imposé, à 22 ans, comme l’un des meilleurs commentateurs français de Clash Royale. Développé par l’éditeur Supercell, ce jeu sur mobile repose sur une succession de duels, dans l’objectif de détruire le plus de tours appartenant à l’adversaire. Depuis son lancement en mars 2016, il rassemble plus de 100 millions de joueurs actifs, dont les meilleurs se retrouvent lors de compétitions internationales, qui réunissent aussi des centaines de fans.

« Un expert passionné »

Pour ceux qui n’ont pas pu faire le déplacement à la Porte de Versailles à Paris, les rencontres sont diffusées et commentées en direct sur la chaîne YouTube de Théodore. « Etant moi-même joueur, je regardais les vidéos de Trapa, c’est donc naturellement que j’ai fait appel à lui dès le premier événement que nous avons organisé pour Clash Royale, explique Julien Brochet, directeur de la Electronic Sports World Convention (ESWC), qui organise des événements pour les professionnels et les amateurs de jeux vidéo. Il a toutes les qualités requises pour un commentateur, c’est un expert passionné. Il sait expliquer les stratégies, analyser un jeu qui est extrêmement tactique et créer l’engouement nécessaire pour lever les foules. »

Un sentiment partagé par plusieurs joueurs. « Il n’en fait pas trop et ses réflexions sont pertinentes. Humainement, il ne cherche pas à s’imposer. Quand il est en binôme avec un autre commentateur, il sait laisser la place même s’il est plus reconnu », confie Bastien Pescayre, l’un des joueurs recrutés par l’équipe Millenium, seule structure professionnelle en France.

Avant de se consacrer aux commentaires de matchs sur YouTube, Théodore s’initie très jeune aux jeux vidéo et développe une appétence pour tout ce qui touche à Internet. « Je n’avais pas quatre ans lorsque j’ai découvert la Game Boy et j’utilisais un ordinateur à six ans. Au début des années 2000, je réalisais des avatars pour les utilisateurs d’un forum. Ils avaient entre 20 et 30 ans, je n’en avais que sept », confie-t-il, une certaine fierté dans la voix. Quelques jours après la fin des épreuves du baccalauréat en juin 2013, Théodore lance sa chaîne YouTube et s’initie au commentaire sur Clash of Clans, autre jeu star de Supercell.

Un engouement croissant

A cette époque, celui qui est devenu Trapa ne se doute pas que ses vidéos lui apporteront une réelle chance de carrière quelques années plus tard. « Beaucoup de choses ont changé en quatre ans. Pendant deux ans, j’ai réalisé des vidéos dans mon coin pour le plaisir, il n’y avait pas encore d’événements de l’envergure de ce qui se fait aujourd’hui », observe-t-il. Il garde toutefois la tête sur les épaules et n’envisage pas, pour l’instant, de laisser tomber ses études pour se consacrer entièrement à cette passion chronophage. Car malgré le succès du jeu et l’intérêt qu’il suscite chez certains sponsors, les revenus liés aux vidéos et aux événements auxquels il participe ne lui permettent pas d’en vivre.

« Le jeu Clash Royale n’est sorti que l’année dernière, il faut donc attendre encore un peu pour voir se développer un plus grand nombre de joueurs et de commentateurs professionnels », tempère Julien Brochet, qui prédit une belle carrière de commentateur à Trapa. « Preuve de l’engouement autour du jeu, la finale, qui a eu lieu samedi, a été diffusée en direct sur SFR Sport 3. L’intérêt très fort, car cette jeunesse passe beaucoup de temps sur Internet, si les chaînes de télévision veulent orienter cette audience vers la télévision, ils doivent diffuser du contenu qui marche très bien sur Internet, détaille le directeur de l’ESWC. Le sponsoring et le droit à l’image permettent ainsi de financer le modèle économique de l’e-sport. »

En témoigne aussi l’accord conclu, et annoncé à quelques heures de l’ouverture de la Paris Games Week, entre le groupe Webedia et le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour le lancement d’une chaîne de télévision consacrée à l’e-sport.