Edouard Philippe avec le champion de boxe thaï Bruno Brendan, le 5 novembre 2017. / HELENE VALENZUELA / AFP

« L’école est debout et nous aussi. » Directrice de l’école primaire Clair Saint-Maximin de Quartier-d’Orléans, un bourg défavorisé de l’île de Saint-Martin, Joëlle Petchy-Dorville redresse la tête, les yeux humides. C’est dans son établissement qu’Edouard Philippe a choisi, lundi 6 novembre, d’assister à la rentrée des classes, deux mois jour pour jour après le passage de l’ouragan Irma, qui a tué 11 personnes et endommagé 95 % des bâtiments de la collectivité antillaise.

« Si nous sommes ici, c’est parce que nous tenions dès après le cyclone, à faire en sorte qu’une fois passé la gestion de l’urgence, la vie recommence », a déclaré le premier ministre à la sortie de l’école, au côté de Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’éducation nationale. Le chef du gouvernement s’était engagé mi-septembre à venir à Saint-Martin après la Toussaint, alors qu’Emmanuel Macron s’y était rendu dans l’urgence le 12 septembre.

En s’arrêtant sur l’île, ainsi qu’à Saint-Barthélemy quelques heures plus tard, Edouard Philippe avait un objectif : montrer que l’Etat n’oublie pas ces territoires de la République ravagés par Irma. Il avait également en tête les polémiques nées lors de la visite du chef de l’Etat, qui s’était fait interpeller sur les retards des secours et l’impréparation des pouvoirs publics. « Durant huit jours, on a vécu comme dans la série Walking Dead, c’était l’anarchie totale », se souvient un habitant amer.

S’il a fustigé le « syndrome des annonces de tarmac » qui frapperait selon lui les outre-mer, M. Philippe n’est pas venu les mains vides. Outre une aide de 62 millions d’euros à la collectivité de Saint-Martin pour 2017 et 2018, il a annoncé que les entreprises de l’île seraient exonérées de cotisations jusqu’en novembre 2018, ce qui représente une aide indirecte d’environ 60 millions d’euros. Les forces de sécurité et de secours, dont le déploiement a déjà coûté 100 millions d’euros à l’Etat, resteront le temps nécessaire, a-t-il aussi assuré.

« Eviter les erreurs du passé »

Car si le gouvernement assure que « la vie reprend ses droits », rien n’est encore vraiment normal sur l’île, se plaignent les Saint-Martinois. A l’école Clair Saint-Maximin, un quart des 358 élèves inscrits n’ont pas repris les cours : leurs parents ont préféré les scolariser dans les îles alentour ou en métropole, « le temps que les maisons redeviennent habitables », selon sa directrice.

Partout dans l’île, des monceaux de débris et de carcasses de voitures encombrent encore les rebords des chaussées. Tous les habitants sont à l’abri de la pluie, assure la préfecture, mais c’est le plus souvent des bâches qui ont remplacé les toits de tôle envolés. Si l’électricité a été rétablie très vite, l’eau courante est encore parfois coupée et de nombreux commerces n’ont pas rouvert.

Surtout, les habitants de Saint-Martin s’inquiètent des propos du premier ministre, qui a prévenu que la reconstruction prendrait du temps, « pour éviter de refaire les erreurs du passé », alors que les professionnels veulent aller vite afin d’être prêts pour la saison touristique qui démarrera en novembre 2018. Mais pour le gouvernement, pas question de rebâtir à l’identique. « L’impatience ne garantit pas qu’on prenne les bonnes décisions, met en garde un conseiller. On doit se poser la question de savoir si le modèle économique de l’île doit être un modèle qui est rasé tous les deux ans. »