Le Qatar vient de réaliser une belle opération diplomatique avec le Ghana. Le président ghanéen, John Akufo-Addo, enverra dans les prochains jours un ambassadeur dans l’émirat gazier pour diriger la nouvelle représentation de son pays. La ministre des affaires étrangères, Shirley Ayorkor Botchwey, est d’ailleurs attendue cette semaine à Doha pour régler les derniers détails de ce partenariat.

La décision d’ouvrir une ambassade au Qatar a été prise pendant l’été, soit en pleine crise avec l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. C’est Emmanuel Enos, ancien responsable du bureau chargé de la diaspora au ministère des affaires étrangères et ex-numéro deux des ambassades à Malte, Tripoli et Addis-Abeba qui a été choisi pour occuper le poste d’ambassadeur. Le nombre de Ghanéens travaillant au Qatar ne cessant de grandir, le chef de l’Etat a préféré y nommer un spécialiste des questions de diaspora.

Pour le Qatar, qui devrait également ouvrir au plus vite une représentation à Accra, attirer le Ghana, représente assurément une victoire politique en pleine crise du Golfe. D’autant que ce pays d’Afrique de l’Ouest n’a qu’un simple consulat à Dubaï et aucune ambassade à Abou Dhabi.

Souvent cité en exemple par les Etats-Unis et l’Europe, qui voient en lui un modèle démocratique, le Ghana a vu, depuis 2007 et la découverte d’importantes réserves d’hydrocarbures au large de ses côtes, son économie croître à un rythme soutenu, malgré quelques ratés sur l’utilisation des revenus pétroliers depuis 2014. Si Accra n’a jamais pris parti pour un camp dans la crise actuelle, le timing de cette décision montre que l’Emirat gazier parvient à s’entourer de nouveaux pays africains, dont plus d’une vingtaine A déjà fait le choix d’ouvrir une représentation à Doha.

Sortir des zones traditionnelles

De leur côté, les Emirats arabes unis, qui ont coupé toute relation avec le Qatar, tout comme l’Arabie saoudite, Bahreïn, l’Egypte, suivis récemment par certains pays africains – Niger, Mauritanie, Tchad – cherchent également à accroître leur influence en Afrique subsaharienne.

Après avoir décidé d’ouvrir le 20 septembre une ambassade au Tchad, meilleur allié africain dans la crise avec le Qatar, en y envoyant l’ambassadeur Mahamat Al-Chamsi (ex-directeur de la coopération au ministère émirati des affaires étrangères), Abou Dhabi cible désormais la République démocratique du Congo (RDC). Le ministre des affaires étrangères de ce pays, Léonard She Okitundu, s’est rendu fin octobre à Abou Dhabi afin de signer avec son homologue, Cheikh Abdullah Bin Zayed Al-Nahyan, un accord de coopération prévoyant notamment l’ouverture réciproque d’ambassades avant la fin de l’année.

Les Emirats arabes unis choisissent de se rapprocher du gouvernement congolais alors que les Occidentaux font pression sur le président congolais, Joseph Kabila, pour qu’il organise au plus vite des élections – son mandat s’est officiellement achevé en décembre 2016 et le nouveau calendrier électoral fixe le futur scrutin présidentiel à décembre 2018. Les deux Etats ont tout à gagner à travailler de concert. Car Joseph Kabila, boudé par ses partenaires occidentaux, est à la recherche de nouveaux soutiens, si possible avec d’importants moyens financiers. Quant aux Emirats arabes unis, le rapprochement avec la RDC leur permet de diversifier leur partenariat sur la scène africaine, en sortant de la bande sahélienne et de la Corne, zones d’influence traditionnelles.

Dubaï, dont l’émir, Mohammed Bin Rachid Al-Maktoum, est également le premier ministre des Emirats arabes unis, joue aussi un rôle central dans cette course aux alliances africaines. Celui-ci sait parfaitement mettre en avant de potentiels partenariats économiques avec Dubaï, pont logistique majeur entre l’Asie et l’Afrique, tant plébiscité par les hommes d’affaires africains. Les 1er et 2 novembre, M. Al-Maktoum a d’ailleurs organisé un grand rendez-vous, le Global Conference Forum Africa 2017, durant lequel plusieurs présidents, dont l’Ougandais Yoweri Museveni et le Rwandais Paum Kagamé, ainsi que des hommes d’affaires de premier plan (Tonye Cole du Sahara Group [Nigeria], ou Mohammed Dewji de METL [Tanzanie]) se sont exprimés.