Bruno Genesio, le 5 novembre 2017, lors de Saint-Etienne - Lyon. / PHILIPPE DESMAZES / AFP

Après le succès historique de l’Olympique lyonnais lors du derby hier soir à Saint-Etienne (5-0), Bruno Genesio, l’entraîneur des Gones, peut avoir le sourire. Huitième avec seulement trois victoires le 13 octobre dernier, son équipe reste sur une série impressionnante de quatre succès d’affilée qui ont mené les Lyonnais sur le podium de la Ligue 1.

En septembre 2016, après une déroute à domicile face à Dijon (4-2), les choses étaient bien différentes. Genesio se plaignait en effet du traitement qui lui était réservé. Se sentant mésestimé par rapport aux entraîneurs étrangers, il lâchait cette phrase devenue mythique chez ses détracteurs : « De toute façon, quand on gagne, c’est grâce au stade, au public ou aux joueurs. Et quand on perd, c’est à cause de moi, car je ne suis pas un entraîneur suffisamment expérimenté. Ou alors je devrais m’appeler Ramirez ou Sanchez… »

Depuis sa nomination en décembre 2015, ce pur Lyonnais, qui a évolué dix ans en professionnel à l’OL et qui fait partie du staff du club depuis 2005, divise. Une pétition signée « supporteurs de l’Olympique lyonnais » avait recueilli quelques milliers de signatures dans les jours suivant son arrivée. Ses contempteurs reprochaient au président, Jean-Michel Aulas, de privilégier sa qualité de Lyonnais pur jus à sa compétence : « Bruno Genesio n’est tout simplement pas un bon entraîneur, c’est factuel. Il s’est planté absolument partout où il est passé en tant qu’entraîneur principal (Besançon et Villefranche en CFA) et ne doit sa longévité en tant qu’adjoint qu’au fait d’être du cru et particulièrement apprécié de Bernard Lacombe », disait le texte de la pétition.

« Une superbe causerie »

Les critiques avaient assez vite disparu, s’effaçant devant la réalité des résultats. Après douze victoires lors des matchs retour, Lyon avait bondi de la 9e place du championnat à la place de dauphin des Parisiens. Le coup de poker controversé de Jean-Michel Aulas avait fonctionné. On louait la qualité de meneur d’homme du nouvel entraîneur. Sa connaissance de joueurs du centre de formation était mise en avant.

Bruno Genesio intervient dimanche soir pour calmer les esprits. / PHILIPPE DESMAZES / AFP

Mais les choses allaient vite se gâter. La première saison complète d’entraîneur de Bruno Genesio allait se révéler particulièrement inégale. Les Lyonnais allaient échouer à se qualifier pour une nouvelle Ligue des champions. Avec treize défaites et 48 buts encaissés, ils terminaient à la 4e place, à 9 points de Nice, équipe au budget bien moins important.

Le champion de France, Monaco, cavalait loin devant avec 28 points d’avance. Ce bilan compliqué était seulement tempéré par le bon parcours en Ligue Europa, demi-finaliste ; performance qui était la conséquence indirecte d’un premier échec en poule de la Ligue des champions (3e de leur groupe).

Le cas de Bruno Genesio n’a cessé de susciter les antagonismes. A l’intérieur du club, le soutien a été (presque) sans faille. Jean-Michel Aulas, mais aussi l’inénarrable Bernard Lacombe, qui gravite toujours au sein de la direction du club, n’ont cessé de mettre en avant ses qualités, allant même jusqu’à jouer sur la corde sensible en vantant… ses causeries. « Il a utilisé des mots très forts, sur l’engagement, la rigueur. J’avais les yeux qui me piquaient, je me suis dit : je vais aller jouer ce soir ! Une superbe causerie », livrait Lacombe, sans avoir peur de l’emphase, après une contre-performance à Angers (3-3).

La presse était, elle, relativement clémente. En tout cas moins dure qu’elle n’a pu l’être avec Leonardo Jardim avant qu’il mène Monaco au titre de champion de France ou avec Unaï Emery, qui a subi de plein fouet la remontada du Barça. Surtout, Bruno Genesio n’a jamais perdu le soutien des Bad Gones, la principale organisation de supporteurs de l’OL, celle qui avait mené la vie dure à Claude Puel lors de sa dernière saison au club.

OL - LE COUP DE GUEULE DE Bruno Genesio
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Dans le camp des critiques, on retrouvait un mélange hétéroclite composé d’une partie du public et de suiveurs avertis qui ne se satisfaisaient pas du niveau de jeu affiché par l’OL. Pour ces derniers, Bruno Genesio n’était pas armé tactiquement pour faire progresser une équipe aux nombreux jeunes talents. Et sa déclaration après une défaite contre la Juventus en octobre 2016 n’avait rien arrangé entre lui et ceux qui s’expriment sur les réseaux sociaux : « Quand je vais boire le café à la brasserie de mon village, j’entends les mêmes choses, donc ça me fait bien marrer. »

Il faut dire pourtant que certains choix sportifs n’ont pas joué en faveur du coach rhodanien la saison dernière. On peut lister pêle-mêle : la gestion de Rachid Ghezzal, auteur d’une mauvaise saison, l’attitude envers Emanuel Mammana, jeune défenseur argentin à qui rien n’a été pardonné, l’utilisation au milieu de terrain du peu complémentaire double pivot Tousart-Gonalons, la titularisation de Jérémy Morel au poste de latéral gauche ou encore le peu de confiance accordée à l’époque aux jeunes prometteurs, comme Houssem Aouar et Myziane Maolida.

Des choix forts

Il y a trois semaines, Jean-Michel Aulas lui mettait même la pression pour la première fois : « Si les résultats sont meilleurs, on poursuit. Si on ne peut pas revenir, je ferai autrement. Mais il n’y a pas d’urgence (…) Il est trop tôt pour prendre des décisions après huit matchs. On fera le point après le derby. Tous les entraîneurs sont en danger, on est dans un club ambitieux. »

Depuis, l’entraîneur a retrouvé une position de force. Genesio a su réagir grâce à des choix forts. Il a géré l’individualisme de joueurs, comme Memphis Depay ou Mariano. Depuis un court passage sur le banc, le Néerlandais est transfiguré. Quant au second, il a été remis à sa place lorsqu’il a voulu se charger d’un penalty à la place du tireur désigné.

Son acte le plus significatif est d’avoir enfin lancé dans le grand bain le jeune Houssem Aouar, 19 ans. Très bon lors de ces débuts en pro en Ligue Europa la saison dernière, Aouar rongeait son frein. Depuis son intégration dans l’équipe, il est devenu indispensable, au point de surprendre Genesio lui-même : « Il m’étonne parce qu’il montre une faculté d’adaptation à tous les postes auxquels il joue. Ça, c’est étonnant. »

Au début de saison, Bruno Genesio avait également été bien inspiré de nommer Nabil Fekir capitaine. L’international français s’est responsabilisé et se montre un leader technique et collectif. Alors a-t-il été mal jugé ou est-il devenu meilleur en écoutant les critiques ? La vérité doit certainement se situer au milieu. Bruno Genesio a en tout cas gagné le droit de continuer à faire ses preuves.