Une New-Yorkaise lors de la Marche des femmes à Washington, le 21 janvier 2017. / Sait Serkan Gurbuz / ASSOCIATED PRESS

On le reconnaît du premier coup d’œil : c’est un pantalon tailleur – vert – de Hillary Clinton. L’exposition du Musée de la ville de New York, lundi 6 novembre, devait marquer le couronnement d’un combat centenaire, avec l’élection de la première femme présidente des Etats-Unis. Mais la victoire de Donald Trump, le 8 novembre 2016, a changé la donne. Il a fallu adapter l’exposition, devenue l’expression d’une lutte qui n’est jamais complètement gagnée, en présentant le « pussy hat », le bonnet rose que portaient de nombreuses manifestantes lors de la Marche des femmes du 21 janvier, au lendemain de l’investiture de Donald Trump.

« On aime à croire que l’histoire est une ligne droite de progrès. Ce n’est pas le cas », explique en souriant Sarah Seidman, commissaire de l’exposition. Celle-ci retrace le combat politique des femmes, cent ans après que les hommes de l’Etat de New York leur eurent accordé le droit de vote par référendum, le 6 novembre 1917.

Mouvement de bascule

Cet Etat n’est pas le premier à avoir accordé le droit de vote aux femmes – le très sauvage et masculin Wyoming le fit dès 1869, suivi par d’autres Etats du Nord-Ouest américain –, mais c’est New York qui lança le mouvement de bascule qui aboutit à la modification de la Constitution en 1919 et au droit de vote généralisé des femmes l’année suivante.

L’exposition retrace le mouvement des suffragettes, engagé sérieusement à partir de 1848 par Elizabeth Stanton, et affiche les photos de féministes de toutes conditions et de toutes origines. A côté, et pas ensemble, car les combats furent souvent plus parallèles que communs. Certaines Blanches craignaient que l’adhésion de femmes noires au mouvement nuise à leur cause dans les Etats du sud.

Des Afro-Américaines ont découvert le machisme après s’être engagées dans les mouvements de droits civiques. Les luttes se fondaient ou se confondaient : « Je ne peux pas me permettre d’être fragmentée en Noire à un moment, femme à un autre et ouvrière ensuite : je dois trouver un principe unificateur à tous ces mouvements auxquels j’adhère », déclara Pauli Murray (1910-1985). Cette grande féministe ne trouva pas sa voie à travers l’élection, battue aux municipales de New York en 1949.

Car droit de vote ne signifiait pas l’entrée dans la cité. La quasi-totalité des femmes candidates à New York furent battues à l’élection de 1918. Beaucoup choisirent d’agir dans l’ombre, au sein de l’administration, et prirent de l’importance sous le règne de maires progressistes, notamment Fiorello LaGuardia (1934-1945), et lors de la mise en place du Welfare State pendant le New Deal.

« La marche continue »

Retour en arrière après-guerre, jusqu’aux mouvements féministes des années 1960. L’amendement constitutionnel pour l’égalité des droits entre hommes et femmes fut adopté dans les années 1970 par le Congrès, mais jamais ratifié par les Etats de l’Union. En célébrant l’exposition, la vice-gouverneure démocrate de l’Etat de New York, Kathy Hochul, a appelé à reprendre le flambeau : « Nous avons gagné le droit de voter, mais cela ne veut pas dire que nous sommes traitées également aujourd’hui, dans la culture ou la société d’aujourd’hui. Alors la marche continue. » Cette démocrate juge qu’après l’élection de M. Trump, « les femmes se sentent encore plus dans l’obligation de s’engager dans la vie politique ».

New York n’a jamais élu de femme gouverneure ou maire, alors que le démocrate Bill de Blasio devait battre, mardi 7 novembre, la républicaine Nicole Malliotakis à la mairie de New York dans un conseil municipal qui devrait compter moins d’un quart de femmes. En face du musée, Central Park, qui ne compte aucune statue de femme, attend toujours celle des suffragettes du XIXe siècle, Elizabeth Stanton et Susan Anthony. Ce sera en 2020, pour le centenaire du vote fédéral des femmes.