Le président américain Donald Trump, mercredi 8 novembre, à Pékin. / Andrew Harnik / AP

Donald Trump est arrivé à Pékin, mercredi 8 novembre, pour une visite cruciale à propos du dossier qui domine sa tournée en Asie, la Corée du Nord. Avant de quitter Séoul, s’exprimant devant l’Assemblée nationale sud-coréenne, le président des Etats-Unis a enjoint le régime de Kim Jong-un à ne pas le sous-estimer. « Ne nous mettez pas à l’épreuve », a-t-il averti à propos des ambitions nucléaires et balistiques de Pyongyang.

Tout en rappelant que « toutes les options » restent sur la table pour Washington, M. Trump a rompu avec les diatribes à propos de la Corée du Nord depuis son arrivée dans la région. Dans son adresse aux députés sud-coréens, il s’est même adressé directement au régime de Kim Jong-un sur un ton relativement modéré, l’exhortant à réviser ses plans. La veille, il avait fait preuve, pour une fois, d’optimisme. A l’occasion d’une conférence de presse commune avec son homologue sud-coréen Moon Jae-in, le président des Etats-Unis a évoqué de « grands progrès », assurant voir « certaines choses bouger ». Peut-être se référait-il à l’absence de tirs de missiles par Pyongyang depuis le 15 septembre, une suspension que le secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, présentait en août comme le « meilleur signal » attendu de Pyongyang.

Cet optimisme a confirmé un changement de posture de M. Trump déjà constaté à Tokyo, où il avait commencé sa tournée, après des semaines de formules agressives à l’encontre du régime de Pyongyang et de son dirigeant. « Au final, on trouvera une solution, on finit toujours par trouver une solution, il faut qu’on trouve une solution », avait-il assuré dès son arrivée en Corée du Sud, à l’occasion de la visite d’une base militaire. Il avait ajouté plus tard qu’il serait logique que la Corée du Nord « vienne à la table de négociation pour conclure un marché ».

Un test pour la diplomatie de Pékin

A Séoul, le président des Etats-Unis a aussi vanté la coopération de Pékin, jugeant qu’elle avait été « très, très utile » en la matière. Avant d’arriver à Pékin, il a rendu sur son compte Twitter un hommage à la « grande victoire » obtenue par son homologue au cours du 19congrès du Parti communiste chinois, passant sous silence la vision très noire du communisme qu’il avait exposée quelques instants auparavant devant les élus sud-coréens.

Ces gestes appuyés suffiront-ils ? Le président des Etats-Unis ne fait pas mystère de sa volonté de convaincre son homologue Xi Jinping d’exercer une pression accrue sur son voisin nord-coréen. Le dossier de la péninsule coréenne est un test pour Pékin, dont l’ambition de déployer une diplomatie de grande puissance est parasitée par l’obstination et l’isolement de Pyongyang. Les essais balistiques et surtout nucléaires de la Corée du Nord sont mal perçus par la population chinoise, et la Chine abhorre tout facteur d’instabilité à ses frontières. Mais Pékin souhaite éviter de déstabiliser le régime, et son ascendant vis-à-vis de Pyongyang est limité, voire nul.

Face aux demandes de Trump, la Chine devrait résister à l’imposition de mesures radicales comme l’interruption des livraisons de pétrole, mais dispose, selon les experts, d’une certaine marge dans l’application des sanctions existantes, notamment au niveau des circuits de financement nord-coréens en Chine. Pékin n’en a pas moins officiellement critiqué, le 3 novembre, le « bras long » de la juridiction américaine après l’exclusion du système financier américain de la Banque de Dandong, établissement d’une ville frontalière de la Corée du Nord.

Le changement de ton de la Chine vis-à-vis aussi bien de Pyongyang que de Séoul, adopté depuis la clôture du 19e congrès, indique que Pékin fait mine de miser sur une approche plus conciliante avec ses deux voisins. Il reflète la mise en place d’une nouvelle équipe dirigeante à la tête du parti – même si M. Xi et son premier ministre ont été reconduits. Le numéro un chinois a ainsi émis le souhait, le 1er novembre, de voir les relations avec Pyongyang atteindre un état « sain et stable » après avoir reçu un message de félicitations pour sa reconduction à la tête du Parti communiste chinois de la part du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. C’est la première fois qu’un message de haut niveau émanant de Xi et à l’attention de son homologue nord-coréen était mentionné par l’agence de presse officielle nord-coréenne depuis juillet 2016.

Quant aux relations Chine-Corée du Sud, après un an de brouille avec Séoul sur le dossier du bouclier antimissile américain (Thaad) qui s’est traduite en Chine par un boycottage informel des marques sud-coréennes et des produits culturels de la K-Pop, Pékin semble être satisfait par les assurances sud-coréennes de ne pas chercher une alliance militaire trilatérale avec le Japon et les Etats-Unis. Pour le quotidien Global Times, la Chine veut que l’alliance Séoul-Washington se restreigne strictement aux affaires de la péninsule coréenne et que la Corée du Sud maintienne un « positionnement neutre dans le jeu des grandes puissances ».

« Accord tacite »

« La Chine et la Corée du Sud ont des intérêts communs, elles ont beaucoup communiqué ces derniers temps et les promesses sud-coréennes ont permis une désescalade », note l’expert chinois Jia Qingguo, doyen de la faculté d’études internationales de l’Université de Pékin. Pour Chen Daoyin, un spécialiste de la politique chinoise basé à Shanghaï, le réchauffement entre Pékin et Séoul est une conséquence directe de la visite de M. Trump : « La Chine et la Corée du Sud ont passé un accord tacite qui est de joindre leurs efforts pour négocier face à lui », avance-t-il.

M. Trump, quels que soient les résultats obtenus à Pékin, ne compte pas fléchir pour autant. Devant les députés sud-coréens, il a mis en garde tous les pays qui se montreraient trop complaisants avec Pyongyang. La Russie en fait partie, et le président des Etats-Unis devrait justement s’entretenir avec son homologue Vladimir Poutine en marge d’un sommet régional au Vietnam, en fin de semaine. Il sera à nouveau question de pressions sur le régime de Kim Jong-un.