Confinement et manque d’intimité des patients, absence d’échanges avec les familles, insuffisance de formation des soignants… Tel est le constat livré par le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) dans son rapport sur les droits fondamentaux des mineurs hospitalisés en psychiatrie, publié mercredi 8 novembre. L’organe de contrôle s’est appuyé sur ses visites menées dans une trentaine d’établissements de soins psychiatriques accueillant des mineurs en France. En 2015, 18 257 mineurs ont été admis en hospitalisation à temps complet.

Le droit à la dignité

La plupart des unités visitées par les contrôleurs étaient fermées de l’intérieur. Cela s’explique par une volonté de protection des mineurs « contre eux-mêmes (risque de suicide et de fugue) », précise le rapport. Cette conception répond « aux attentes d’une majorité des parents », rassurés par la réduction de risques. Mais, lors des visites du CGLPL, certains mineurs ont évoqué une « sensation de confinement ». Le contrôleur s’interroge « sur le caractère légitime de cette atteinte au droit fondamental d’aller et venir dès lors que (…) certaines unités offrent un espace particulièrement restreint, sans locaux collectifs et sans accès à l’air libre, contraignant les jeunes patients dans une atmosphère oppressante ».

Dans des unités où il y avait plus de liberté de circulation, les contrôleurs ont, par ailleurs, observé que l’ambiance était « plus sereine » et que ce type de fonctionnement ne donnait pas lieu à davantage de fugues ou d’accidents.

L’espace et l’équipement doivent être pensés de manière à ce que les patients se sentent bien tout en assurant leur sécurité. Durant les visites menées, l’autorité a constaté que des chambres n’avaient pas de verrou, d’autres étaient visibles aux yeux de tous, ou placées sous vidéosurveillance, posant « la question du respect de l’intimité et de la dignité ». Le rapport observe tout de même qu’une proportion importante de pavillons s’est efforcée d’en faire « un lieu agréable, tant au plan architectural que décoratif ».

Le CGLPL recommande à ce titre de porter une attention particulière « à la conception et à l’aménagement des unités de soins pour mineurs », qui doivent être « spacieuses et comporter un accès à l’air libre ». Aussi, dans un souci de bien-être, « les unités recevant des mineurs devraient bénéficier d’une chambre d’apaisement permettant une mise à l’écart sans enfermement et dans des conditions de confort », soumet l’autorité.

Le maintien du lien avec la famille

Le CGLPL soutient qu’il faut respecter la place des parents, notamment en les consultant. Mais, au sein de certaines unités visitées, les médecins ont affirmé n’avoir rencontré les parents qu’une fois en trois à quatre semaines, ce qui, de fait, les tient à distance de leur enfant. Le contrôleur recommande, lui, une visite hebdomadaire. La communication entre l’établissement, les parents et l’enfant est en effet cruciale et permet de ne pas « compromettre durablement les relations familiales », souligne le contrôleur.

Dans certaines unités, les patients mineurs souhaitant appeler leurs parents sont obligés de téléphoner depuis le bureau des soignants et, par conséquent, en leur présence. Une situation mal vécue par ces jeunes, qui ont pu exprimer aux contrôleurs « leur pudeur malmenée » et l’impossibilité « de dire comme ils l’auraient souhaité leur affection à leurs parents ».

L’autorité propose ainsi qu’il ne puisse être « porté atteinte à la confidentialité des échanges téléphoniques que pour un motif tiré de l’état de santé du patient, lequel doit être régulièrement réévalué ».

Un manque de moyens et de formation

Le CGLPL note également un manque important de moyens tant matériels qu’humains. L’insuffisance des lits d’hospitalisation complète est notamment évoquée. En 2014, on comptait en moyenne 14 lits pour 100 000 habitants de 0 à 20 ans, révèle le rapport. Du côté du personnel, ce n’est pas mieux : la spécialité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent serait « confrontée à la plus forte chute de médecine de spécialité : moins 48,2 % entre 2007 et 2016 ».

Le rapport déplore aussi une « insuffisance de formation des infirmiers depuis que, en 1992, a été supprimé le diplôme d’infirmer du secteur psychiatrique » et regrette l’absence de tutorat, supposé « compenser la perte de références théoriques ». Résultat, des soignants « sont apparus relativement démunis face à la violence de la crise adolescente, mal armés pour prendre en compte des symptômes d’origines diverses ».