Le rider Julian Molina en tournage dans les rues de Paris à la fin d’octobre pour la Sosh Urban Motion. / FERNANDO MARMOLEJO

Assis en équilibre sur son BMX, son unique jambe posée sur l’esplanade du Trocadéro, Julian Molina n’en finit plus d’admirer la tour Eiffel et la vue sur Paris, pas rebuté par le froid de cette soirée d’octobre. Pour la première fois, il a franchi l’Atlantique, venu de Colombie en invité spécial d’un concours international de vélo acrobatique, le Sosh Urban Motion. « C’est incroyable ! Je suis la première personne de mon village à venir en Europe », assure Julian Molina, originaire de la région d’Antioquia, dans les Andes colombiennes.

La première fois qu’il a quitté son village, il avait 7 ans. Dévalant la rue en skate, Julian Molina est percuté par un bus. Son pied est broyé, sa jambe attaquée par la gangrène. A Bogota, on l’ampute de la jambe gauche. Cinq ans plus tard, il découvre à la télévision les figures réalisées par les riders de BMX. « J’ai tout de suite voulu faire comme eux. Bizarrement, je ne me suis jamais dit que je n’y arriverai pas, je ne me suis jamais demandé comment je pouvais tenir en équilibre avec une seule jambe », raconte Julian Molina.

« No-hand », 360 et backflip

Né d’un père cordonnier et d’une mère femme au foyer, il vend des babioles dans la rue pour se bricoler son premier vélo à l’âge de 14 ans. A force de ténacité, d’entraînement et de chutes, Julian David Molina Saldarriaga commence à réaliser des figures impensables pour un unijambiste, comme le « no-hand », le 360 et le backflip.

The Inspirational Story of a One-Legged BMXer | Julián Molina
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Images : Julian Julian Molina dans son village des Andes colombiennes.

Conseillé par les riders de son pays, Julian Molina décide de publier ses vidéos et, très vite, suscite l’intérêt de la planète BMX. Un amateur de vélo acrobatique tombé sur ses vidéos, Mike Ives, est le premier à aider l’adolescent en lui permettant de s’équiper d’une prothèse –qu’il retire pour rider. Une marque de boisson énergétique portée sur les sports extrêmes vient le filmer in situ, dans son village andin. 

« C’est le début de la gloire », dit aujourd’hui amusé Julian Molina. Cette fois, c’est le Français Hadrien Picard, photographe et réalisateur de vidéos de BMX, qui a eu un coup de cœur pour le jeune Colombien et lui a proposé de participer à l’édition 2017 de ce concours qu’il organise.

Cyclisme/BMX: Julian Molina, amputé d'une jambe et rider magique
Durée : 01:55

Sans sponsor

Arriver à Paris n’a pourtant pas été simple. A l’aéroport de Bogota, Julian Molina est accueilli par plus de 500 admirateurs et des agents pointilleux, qui le soupçonnent de venir en France pour y être opéré et surtout pour y rester. Hadrien Picard doit intervenir, lui transférer la somme de 100 dollars requise par la législation locale et se porter garant que Julian Molina ne cherche pas à fuir la Colombie.

Enfin débarqué à Roissy, Julian Molina et le réalisateur qui l’accompagne, l’Espagnol Fernando Marmolejo, figure du BMX, partent à la recherche du spot parisien idéal pour réaliser les meilleures cascades. Le jeune athlète se donne à fond, s’épuise, se tord la cheville… Il finira malgré tout troisième sur sept dans cette compétition perçue comme une vitrine par les professionnels de la discipline, face à quelques pointures accompagnées par plusieurs sponsors.

Lui n’en a aucun. C’est la prochaine étape. Il doit aussi trouver, avant le 8 décembre, les fonds nécessaires pour pouvoir participer à la Dirt World, compétition argentine de BMX, à laquelle il est convié. Ses ambitions ne sont, pour l’heure, pas sportives. « Je souhaite que les gens me voient comme un référent, comme quelqu’un dont on s’inspire. Etre la personne qui change la vie de mon village. » Rentré au pays, il a retrouvé sa piste de BMX, construite avec l’aide du maire, le marché sur lequel il vend les bijoux qu’il fabrique et Daniela. De sa petite amie, il dit qu’« elle est la seule femme du village à pratiquer le BMX ».

Le rider colombien Julian Molina, lors du tournage parisien à la fin d’octobre. / FERNANDO MARMOLEJO