Sebastian Kurz et Heinz-Christian Strache, le 25 octobre à Vienne. / LEONHARD FOEGER / REUTERS

L’extrême droite autrichienne (FPÖ) a fait de l’obtention du ministère de l’intérieur sa condition pour participer à un gouvernement mené par Sebastian Kurz. Et son chef, Heinz-Christian Strache, l’ami viennois de Marine Le Pen, se verrait bien porter la casquette de « premier flic » du pays. Incarner ce portefeuille régalien lui permettrait d’occuper l’espace médiatique sur la question des migrations, de l’asile, de la lutte contre l’islam radical et le terrorisme djihadiste, tout en ayant un œil sur l’organisation et le déroulement des élections.

« Si le FPÖ obtient ce ministère, il faut s’attendre à ce qu’il fasse pression pour une interprétation moins stricte de la Verbotsgesetz [loi entrée en vigueur en 1947 qui réprime toute apologie du nazisme] », prévient Heribert Schiedel, du Centre d’archives et de documentation sur la Résistance (DÖW), un organisme chargé de surveiller les mouvements extrémistes. Car, selon Karin Riss, une journaliste du quotidien libéral Der Standard, M. Strache a rencontré, dès l’âge de 15 ans, Gottfried Küssel, l’une des figures du milieu néonazi autrichien des années 1980 et 1990. Il a été lié personnellement, plusieurs années durant, à la fille d’un autre nostalgique des années brunes, Norbert Burger, même s’il réprime, depuis 2013, toute expression publique antisémite venue de ses rangs et a entamé une tentative de rapprochement avec Israël, dont il jure partager les combats contre le « nouvel antisémitisme », celui des islamistes.

« Dommageable pour la réputation de l’Autriche »

Ce n’est donc pas un hasard si les plus hauts représentants de quatre religions, la juive, la catholique, la protestante et l’orthodoxe, ont choisi la date du 9 novembre pour publier une lettre ouverte appelant la classe politique autrichienne à adopter un positionnement clair contre toute forme de racisme, d’antisémitisme et de nationalisme. Il y a soixante-dix-neuf ans avait eu lieu la Nuit de cristal, le pogrom contre les juifs du IIIe Reich. Et le camp de concentration de Mauthausen, devenu un musée du souvenir des persécutions nazies, est alimenté en subventions publiques par le ministère de l’intérieur, qui nomme quatre des quinze représentants de son conseil d’administration. Il est également chargé de l’entretien des lieux commémoratifs, des cimetières militaires ainsi que du dossier délicat de l’avenir que l’Autriche entend réserver à la maison natale d’Adolf Hitler, une bâtisse située dans la petite ville de Braunau et dont elle a pris possession il y a moins d’un an, pour éviter qu’elle ne devienne un lieu de pèlerinage néonazi.

« Je pense que la participation du FPÖ au gouvernement est dommageable pour la réputation du pays, juge Wolfgang Müller-Funk, un chercheur en littérature de l’université de Vienne. Notre politique intérieure va devenir instable et cela va compliquer nos relations avec Angela Merkel et Emmanuel Macron. » Il milite activement pour la mise en place d’un exécutif minoritaire, à l’exemple de ce que la Suède avait réussi à produire en 2014. La droite avait alors soutenu un gouvernement de gauche sans majorité au Parlement, lui permettant de gérer le pays de manière stable, tout en maintenant l’extrême droite à l’écart.