Après des années dominées par des difficultés financières, le groupe français Saur veut retrouver les chemins de la croissance. Numéro trois français, loin derrière Veolia et Suez, le spécialiste du traitement de l’eau a annoncé, mercredi 8 novembre, son « ambition stratégique », baptisée « Initiative 2022 », qui prévoit de porter le chiffre d’affaires de 1,3 milliard d’euros à 2 milliards dans cinq ans. Et ce n’est pas un hasard si son président exécutif, Louis-Roch Burgard, l’a fait depuis Riyad, la capitale de l’Arabie saoudite.

Le marché français, qui progresse de 1 % par an en valeur, est presque saturé. Saur en détient 20 % dans des villes moyennes et affiche « une ambition raisonnable », selon M. Burgard, qui a pris la tête du groupe en janvier avec pour mission des actionnaires de le développer. Il mise à la fois sur sa position de « pur player » de l’eau, la « proximité » avec des collectivités locales de plus en plus désireuses de « maîtriser leur politique de l’eau » et des nouveaux services aux clients grâce à l’innovation numérique.

Le golfe Arabo-Persique, cible prioritaire

L’essentiel de la croissance viendra de l’étranger, souligne M. Burgard. Il prévoit de faire passer le chiffre d’affaires à l’international de 10 % à 30 % en 2022, en se développant en Espagne et dans quelques pays d’Amérique latine et d’Asie. Mais le golfe Arabo-Persique reste sa cible prioritaire : Emirats arabes unis, Bahreïn, Oman et surtout l’Arabie saoudite, où Saur assure déjà la distribution et l’assainissement des eaux de Taëf et de La Mecque en partenariat avec une société saoudienne. Sa présence dans cette ville sainte de l’islam, comme sur des complexes pétrochimiques, est déjà, selon le patron de Saur, une bonne carte de visite.

D’autant que le marché saoudien s’ouvre sous l’impulsion du prince héritier Mohammed Ben Salman. Son plan « Vision 2030 », destiné à moderniser l’économie et à la sortir de sa dépendance aux hydrocarbures, prévoit une privatisation du secteur de l’eau dans le cadre de partenariats public-privé et de concessions. Un secteur stratégique pour le royaume wahhabite, où la consommation d’eau des 28 millions d’habitants croît de 7 % par an ; et un pays tout aussi stratégique pour Saur et ses concurrents puisque les besoins d’investissements sont estimés à 52 milliards d’euros.

Ryad a déjà lancé deux appels d’offres pour deux projets de grandes stations d’épuration à Dammam (Est) et Djedda (Ouest). D’ici fin novembre, Saur devrait adresser des marques d’intérêts. « Nous voulons y tripler notre activité d’ici à 2022 » pour passer à 360 millions d’euros, explique M. Burgard.

« Une opération significative d’ici la fin de l’année »

Pour financer ses projets et réaliser des acquisitions (start-up, sociétés d’ingénierie ou de maintenance du réseau…), le groupe dispose de 250 millions d’euros, tirés pour l’essentiel de la vente en avril de sa filiale Coved (traitement des déchets) au groupe de recyclage Paprec, précise M. Burgard. Une somme que les actionnaires ont décidé de consacrer au développement de Saur.

Le groupe a acquis, en octobre, le spécialiste de la surveillance des nappes phréatiques ImaGeau, une start-up montpelliéraine issue du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) qui a développé un procédé permettant d’« anticiper les épisodes de sécheresse, de garantir une qualité d’eau optimale et d’éviter des surcoûts d’exploitation », ajoute M. Burgard. Il souhaite aller plus loin et réaliser « une opération significative d’ici la fin de l’année ».

L’entreprise doit tourner définitivement la page de sa restructuration financière, avec le refinancement d’une dette arrivant à maturité en 2019. Il y a cinq ans, Saur était au bord du dépôt de bilan, lesté d’une dette de plus de 1,7 milliard qui représentait sept fois son excédent brut d’exploitation (EBITDA).

Une incertitude sur l’évolution de l’actionnariat

Mi-2013, elle avait finalement été reprise par ses banques créancières, au premier rang desquelles figurent BNP Paribas et BPCE. Fin 2017, l’endettement net sera ramené à « un peu plus de 5 fois l’EBITDA », assure M. Burgard, qui se fixe un objectif de « moins de 4 fois en 2019 ».

Une incertitude demeure sur l’évolution de l’actionnariat de Saur, avec le retrait probable des banques actionnaires. M. Burgard dément l’imminence d’une telle opération. « La société n’est pas à vendre, nos actionnaires n’ont pas décidé », assure-t-il, tout en se disant « prêt à toute éventualité ». L’ex-filiale eau de Bouygues, qui emploie 9 000 salariés, serait valorisée 1,5 milliard d’euros.