Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, avec Muriel Pénicaud, ministre du travail, à Paris, le 7 novembre. / LUDOVIC MARIN / AFP

Le système d’apprentissage doit s’adapter aux « aspirations » des jeunes et aux « besoins » des entreprises. C’est l’un des principaux messages lancés, vendredi 10 novembre, lors d’une conférence de presse, par la ministre du travail, Muriel Pénicaud, peu après avoir ouvert un cycle de discussions destinées à préparer la réforme de cette filière d’enseignement en alternance.

Un coup d’envoi auquel ont pris part deux autres membres du gouvernement : Jean-Michel Blanquer (éducation nationale) et Frédérique Vidal (enseignement supérieur). La concertation, qui doit durer jusqu’au début de 2018, associe tous les acteurs du système : organisations syndicales et patronales, conseils régionaux, chambres consulaires…

Quatre groupes de travail ont été mis en place, vendredi, pour traiter l’ensemble des thématiques qui sont en jeu (parcours de l’apprenti, financement et gouvernance, offre de formation et de certification, etc.) ; ils sont placés sous la férule de Sylvie Brunet, présidente de la section travail et emploi du Conseil économique, social et environnemental. Leurs conclusions devront être rendues à la fin de janvier ou au début de février 2018.

Provoquer une « révolution copernicienne »

Le but de l’exécutif est de changer radicalement d’approche – de provoquer une « révolution copernicienne », a dit Mme Pénicaud, avec un brin d’emphase. Pour la ministre du travail, il est temps de mettre fin à un « paradoxe » : l’apprentissage constitue une « voie d’excellence », qui permet à près de sept jeunes sur dix, passés par ce cursus, de décrocher un contrat de travail. Mais son image reste négative, une large partie de l’opinion l’assimilant à un ghetto d’élèves en situation d’échec.

C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles ce dispositif « ne se développe plus », comme l’a rappelé la ministre. En 2016, le flux de nouveaux contrats d’apprentissage dans le privé était légèrement supérieur à 275 000, soit 10 % de moins par rapport au niveau relevé en 2012. Les chiffres sont toutefois légèrement repartis à la hausse depuis 2014, mais ce rebond résulte, pour une large part, de la progression des effectifs d’apprentis dans l’enseignement supérieur.

A l’inverse, le nombre d’entrées d’apprentis au niveau secondaire a diminué de 24 % en huit ans, avec un reflux très marqué dans les métiers traditionnels de l’apprentissage (bâtiment, industrie, coiffure, esthétique, hôtellerie-restauration).

Une tendance désolante, aux yeux de Mme Pénicaud, d’autant plus que « 1,3 million de jeunes » se retrouvent sans emploi, sans qualification, sans formation. C’est une « aberration économique », un « gâchis humain », qui font courir de grands « risques pour la cohésion sociale », a-t-elle ajouté, vendredi.

Pas de seuil à atteindre, mais lever les nombreux freins

Il convient donc de relancer l’apprentissage, grâce à une « mobilisation de tous les acteurs ». La ministre n’a pas voulu formuler d’objectifs chiffrés – se distinguant, en cela, de ses prédécesseurs, qui avaient coutume, sous les législatures antérieures, de fixer un seuil à atteindre (par exemple 500 000 apprentis par an sous le quinquennat Hollande). Elle a insisté sur les nombreux freins à lever (lenteur des procédures pour créer les formations souhaitées par les employeurs, absence de « corde de rappel » pour les jeunes ayant rompu leur contrat d’apprentissage, etc.).

«  Les entreprises doivent pouvoir davantage piloter l’offre des formations », a ajouté Mme Pénicaud, en prenant soin d’indiquer, quelques minutes plus tard – en réponse à la question d’un journaliste – qu’il n’est nullement question d’opposer « les uns et les autres » et que l’implication de tous les protagonistes doit, à l’avenir, être la règle. Une précision qui vise à couper court à l’idée selon laquelle le gouvernement voudrait confier la gouvernance du système aux branches professionnelles.

Cette redistribution des rôles est ardemment réclamée par le Medef. Mais les conseils régionaux, quelle que soit la couleur politique des personnalités placées à leur tête, sont contre. Ils l’avaient d’ailleurs énergiquement exprimé, mercredi, lors d’une conférence de presse organisée par l’association qui les représente, Régions de France.

Si le pilotage du système est confié aux branches, « le court-termisme » va l’emporter et il n’y aura plus aucune vision d’ensemble sur les besoins en compétences dans les bassins d’emploi, avait fait valoir David Margueritte, l’élu en charge du dossier pour Régions de France. Vendredi, il est remonté au front, par le biais d’un communiqué : « Le transfert de l’apprentissage aux branches serait une régression considérable », écrit-il. Pour lui, il faut que les régions soient aux commandes du dispositif puisqu’elles détiennent des prérogatives importantes sur l’orientation des jeunes, la formation continue et le développement économique. C’est une question de « logique », argumente-t-il.