Le jour de carence dans la fonction publique sert-il à quelque chose ? Non, avait plaidé le gouvernement socialiste, en 2014, pour justifier sa suppression. Oui, assure aujourd’hui Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, pour expliquer son rétablissement à partir de 2018.

Une étude de l’Insee, publiée vendredi 10 novembre, permet, si l’on peut dire, d’y voir plus clair : tout le monde a raison.

  • Qu’est-ce qu’un « jour de carence » ?

Lorsque le jour de carence est appliqué, le premier jour d’arrêt maladie n’est pas rémunéré. Dans le privé, la carence est de trois jours. Cela signifie que les salariés ne sont, en principe, payés qu’à partir du quatrième jour non travaillé.

Dans les faits, cependant, pour deux salariés sur trois, l’entreprise compense l’absence de prise en charge par la Sécurité sociale. Dans le public, un jour avait été établi en 2012, avant d’être supprimé en 2014.

  • Que prévoit le projet du gouvernement ?

L’article 48 du projet de loi de finances 2018 rétablit le jour de carence. « Il permet de lutter contre le micro-absentéisme qui désorganise les services, a expliqué M. Darmanin en juillet, alourdit la charge de travail des collègues en poste et coûte environ 170 millions d’euros par an. »

  • Quel a été l’effet du jour de carence sur les absences courtes ?

Pour ce qui est des absences de courte durée, l’étude de l’Insee donne raison au ministre. Entre 2012 et 2014, lorsque le jour de carence était appliqué dans la fonction publique, le nombre d’absences de deux jours a diminué de moitié.

Deux nuances, cependant : les absences d’une seule journée n’ont, elles, pas diminué. L’Institut émet l’hypothèse que, « pour éviter une retenue de salaire due au jour de carence, les agents peuvent préférer substituer à un arrêt maladie un autre type d’absence – jour de RTT, jour de congé annuel, autorisation d’absence… ».

Deuxième nuance : le rétablissement du jour de carence n’a pas fait baisser l’absentéisme global des fonctionnaires. Si l’on étudie cet absentéisme sur une semaine donnée, le nombre des agents absents pour raison de santé demeure stable, carence ou pas. Accessoirement, il est toujours nettement plus élevé dans le privé que dans la fonction publique : c’était le cas de 2,91 % des fonctionnaires en 2014, contre 3,68 % des salariés du privé.

De ce point de vue, l’étude donne raison aux députés socialistes qui avaient supprimé le jour de carence en 2014. Son « instauration n’a pas eu les effets escomptés et n’a pas permis de réduire significativement l’absentéisme », indiquait le projet de loi de finances 2014.

  • Ce jour a-t-il eu un effet sur les longues absences ?

Si l’on prend en compte les absences pour raison de santé d’une semaine à trois mois, elles augmentent avec la carence, indique l’étude : « Cette hausse pourrait s’expliquer par trois mécanismes. Tout d’abord, le jour de carence engendre un coût fixe pour le salarié à chaque prise d’arrêt maladie. Un agent n’a donc pas intérêt à hâter son retour au travail avant d’avoir la certitude d’être guéri. Ainsi, il peut trouver prudent de prolonger son arrêt, pour éviter une rechute synonyme d’une nouvelle pénalité. »

Deuxième mécanisme, un agent malade pourrait, du fait de la carence, « hésiter à s’arrêter de travailler pour se soigner ». Son état se dégradant, cela « conduirait in fine à des arrêts plus longs ». Autre cas, les agents peuvent avoir « le sentiment d’être injustement mis à contribution », ce qui les conduirait, « par réaction, à prolonger un peu cet arrêt ».

Enfin, lorsqu’un jour de carence est instauré, les absences courtes baissent davantage chez les femmes, les jeunes et les employés travaillant peu de jours par semaine, constate l’Institut dans son étude.