Maël de Calan lors d’un meeting à Morlaix (Finistère), le 30 mai. / FRED TANNEAU / AFP

Sous le tintement des cloches de Colombey-les-Deux-Eglises, jeudi 9 novembre, les drapeaux des anciens combattants se sont inclinés sur la tombe du général de Gaulle. La guigne pour Maël de Calan. Caché par les voiles tricolores, le voilà qui disparaît de la photo de famille gaulliste, laquelle était réunie en Haute-Marne pour saluer la mémoire de sa figure tutélaire morte quarante-sept ans auparavant.

Laurent Wauquiez s’était au contraire parfaitement placé, droit comme la croix de Lorraine, dans l’axe des photographes. L’expérience des meetings, des campagnes électorales, du bon endroit au bon moment. Le rapport de force entre deux des trois candidats à la présidence du parti Les Républicains (LR) résumé en un cliché. A Maël de Calan l’arrivée en Fiat 500 ; à Laurent Wauquiez le break noir d’ancien ministre. Au premier l’allure juvénile du benjamin de la course, à 37 ans ; au second, d’à peine cinq ans son aîné, la stature de favori.

« Maël est à sa place ici », insiste Jacques Godfrain, le président de la fondation Charles de Gaulle, pour défendre son protégé. En bon élève, le candidat juppéiste était d’ailleurs parmi les premiers à entrer dans le village, jeudi matin. Discret, mais immédiatement repéré par les caméras, matinalement emmitouflées dans un brouillard glacé qu’elles ne demandaient qu’à oublier en dégainant leur première salve.

« Combien mesurait Charles de Gaulle ? N’est-ce pas un peu trop, ce défilé de politiques ? Que représente le général pour vous ? » Maël de Calan répond sagement : « De Gaulle, c’est une certaine idée de la France. » Pas la même que Laurent Wauquiez, donc ? « C’est très bien si le message gaulliste continue d’irriguer la droite », promet-il dans un rictus, pas tout à fait prêt à se laisser prendre au jeu, ou au piège, de la petite phrase assassine.

« Patriote sans être identitaire »

Reste que lui, rappelle-t-il tout de même à l’envi, a adhéré au RPR en 1998, bien avant ce qu’il nomme « la grande transhumance idéologique » de Laurent Wauquiez, passé de la droite sociale à une ligne droitière identitaire. Et ce jeudi, donc, à la filiation gaulliste.

« De Gaulle montre qu’on peut être patriote sans être identitaire », retoque Maël de Calan. « Le général a dit », ou le point Godwin de la droite, qui brandit parfois son grand Charles en argument d’autorité ultime. « Quand Nadine Morano affirme qu’elle veut inscrire les racines chrétiennes de la France dans la Constitution, je rappelle juste que le général l’a voulue laïque, démocratique et sociale », poursuit M. de Calan.

Le conseiller départemental du Finistère avait pourtant pris d’autres engagements en cette journée commémorative, notamment une séance photo à l’Agence France-Presse (AFP) qui, lâche-t-il sans complexe, « n’avait pas de photo de moi ». Il a finalement tout annulé pour filer à Colombey, passage obligé. « D’ailleurs, Florence Portelli [la troisième candidate] aurait dû venir », tacle-t-il.

Hors de question pour le représentant de l’ouverture dans l’élection interne d’abandonner l’héritage gaulliste à « une certaine partie de la droite ». Et le modéré de se modérer : « Que cette ligne identitaire existe à droite n’est pas un problème. Mais elle est en train d’étouffer toutes les autres. »

En attendant la sortie de Laurent Wauquiez

En témoigne la forêt médiatique qui lui préféra Laurent Wauquiez jusque dans l’église, à quelques minutes de la messe à la mémoire du général de Gaulle : caméras braquées sur le favori, installé sur les bancs réservés à la fondation. De l’autre côté de l’autel, Maël de Calan lève les yeux au ciel. « Il faut respecter les règles… » Seulement, en s’écartant du banc marche pieds des personnalités, le challenger s’est aussi privé des poignées de main venues y défiler, de l’abbé à la secrétaire d’Etat auprès de la ministre des armées.

En attendant la sortie de Laurent Wauquiez sur le perron de la mairie, une journaliste l’interpelle tout de même, de loin :

« Vous restez un peu M. de Calan ?

– Oui oui ! »

Le juppéiste n’a que trop conscience du déficit de notoriété qu’il accuse. « Heureusement », tente-t-il de se rassurer, la campagne est encore longue jusqu’au premier tour, le 10 décembre. Il sait qu’il ne gagnera pas, mais refuse d’avance une place dans le futur exécutif d’un parti guidé par un berger droitier. « Peser en interne est plus important qu’être vice-président au chou farci », lance-t-il avant de critiquer ouvertement la « manière » Wauquiez : « Il est sans arrêt dans la surenchère de la transgression verbale. »

Les ténors ont jeté l’éponge

Pour le moment, Maël de Calan recense ses troupes, en escomptant transformer chaque pourcent gagné en sièges réservés à sa sensibilité au sein du prochain bureau politique. L’entourage de M. Wauquiez n’est pas mécontent, lui non plus, de cette possibilité de compter ses adversaires. Avant même le dépôt des parrainages, certains racontaient espérer que le juppéiste les obtienne.

Et pour cause, le poids politique de l’aile modérée sera forcément moins lourd dans les urnes que si la ligne avait été portée par un ténor, comme Xavier Bertrand ou Valérie Pécresse, qui ont jeté l’éponge dès l’été. « Nous sommes peut-être minoritaires chez les adhérents, mais majoritaires dans l’électorat de droite », prévient M. de Calan.

S’il a pensé à rejoindre La République en marche du président Emmanuel Macron ? « On » lui a en tout cas proposé l’investiture aux dernières législatives. Il a refusé, et a été balayé par la vague macroniste dans la 4e circonscription du Finistère. Certains de ses proches ont, eux, choisi de sauter la marche macroniste, d’autres sont devenus « Constructifs ». Lui affirme n’en vouloir à personne. Du moins pas pour leurs départs. « Mais si vous partez, vous partez. Vous ne tirez pas sur l’ambulance. »