Documentaire sur Arte à 23 heures

RUMBLE: The Indians Who Rocked the World – Trailer
Durée : 02:33

En préambule de leur film, Catherine Bainbridge et Alfonso Maiorana indiquent que, en 1907, le gouvernement américain avait demandé à des ethnologues d’enregistrer les musiciens autochtones à travers l’Amérique du Nord, persuadé que leurs musiques et leurs cultures n’allaient pas survivre. Mais, cent dix ans après, leurs chants, danses et rythmes n’ont jamais été aussi présents et aussi influents dans la musique populaire américaine, tout particulièrement dans le blues et le rock’n’roll. C’est ce que racontent les deux réalisateurs à travers le documentaire Rumble, récompensé, cette année, par le Prix spécial du jury au festival de Sundance (Etats-Unis).

Illustré par nombre d’­archi­ves et de témoignages d’historiens, de critiques musicaux et de grands passionnés de rock’n’­roll (Martin Scorsese, Steven Van Zandt, gui­tariste de Bruce Spring­steen et ­accessoirement acteur dans les ­séries Les Soprano et Lilyhammer, Iggy Pop, les musiciens George Clinton et Quincy Jones ou le poète, activiste et musicien John Trudell), le documentaire réhabilite cette musique qui a façonné le rock et le blues au fil du temps, grâce aux nombreux musiciens et chanteurs d’origine amérindienne (Link Wray, Charley Patton, Mildred Bailey, Robbie ­Robertson, Buffy Sainte-Marie, et ­Taboo, des Black Eyed Peas).

Parmi ces artistes, le pionnier fut Link Wray. Descendant d’une tribu shawnee et guitariste hors pair, il créa en 1958 Rumble (grondement en anglais, qui peut se traduire aussi par « castagne » ou « baston »), un hit vendu à plus d’un million d’exemplaires qui impressionna tous les musiciens anglo-saxons de l’époque. « Rumble fait partie des rares morceaux interdits à la radio, tant on craignait qu’il n’incite à la violence », rappelle Martin Scorsese, qui commente ce voyage musical à travers les Etats-Unis et sa face noire gangrenée par le Ku Klux Klan, le racisme et l’intolérance.

Link Wray dans les années 1970. / © BRUCE STEINBERG

Longtemps occultée – voire censurée –, cette musique indienne aux racines ancestrales a séduit et influencé, par la suite, presque tous les musiciens et chanteurs comme Jeff Beck, Jimmy Page, le guitariste de Led Zeppelin ou Pete Townshend des Who. Bob Dylan s’entoura de Robbie Robertson, descendant d’une tribu mohawk, et le bluesman Charley Patton, métis choctaw, fut une grande référence pour les Rolling Stones. Sans oublier Jimi Hendrix, métis cherokee, qui pulvérisa le rock avec sa guitare électrique.

Michka Assayas, qui anime chaque soir sur France Inter l’émission « Very Good Trip », rappelait récemment que le guitariste Buddy Guy, l’un des derniers géants ­vivants du blues de Chica­go, estimait que « le blues n’a rien à voir avec la musique africaine. En revanche, tout avec celle des Amérindiens dont la présence l’entourait, en l’occurrence les tribus houma ». A l’heure où les suprémacistes blancs américains et les réactionnaires de tout poil ont retrouvé un droit de cité grâce à Donald Trump, il est vivement recommandé de visionner Rumble et sa cohorte de géniaux musiciens pour comprendre que la musique est universelle et que l’intégration est le meilleur remède à l’intolérance.

Rumble, de Catherine Bainbridge et d’Alfonso Maiorana (Canada, 2016, 102 min).