La reine Elizabeth II assiste aux cérémonies de la Journée du souvenir depuis un balcon aux côtés de son époux le 12 novembre à Londres. / TOLGA AKMEN / AFP

Pour la première fois en 65 ans de règne, la reine Elizabeth n’a pas déposé elle-même, dimanche 12 novembre, la traditionnelle couronne de coquelicots devant le Cenotaph, le monument aux morts situé non loin de Downing Street à Londres, à l’occasion des cérémonies en mémoire des morts des deux guerres mondiales, mais elle a assisté au dépôt de gerbe par son fils, le prince Charles, depuis un balcon du Foreign Office tout proche. Ce changement dans l’ordonnancement de la Journée du souvenir, un rituel très suivi au Royaume-Uni, s’inscrit dans le progressif passage de relais entre la souveraine, âgée de 91 ans et son fils, héritier du trône qui aura 69 ans le 14 novembre.

A 11 heures, comme à l’accoutumée, deux minutes de silence ont été observées dans tout le pays à la mémoire des Britanniques et des ressortissants du Commonwealth morts pendant les deux conflits mondiaux. Depuis six décennies, c’était la reine elle-même qui accomplissait l’acte le plus solennel de la cérémonie à laquelle assistent la première ministre, le chef de l’opposition, les anciens premiers ministres et les représentants des différentes religions et des corps constitués, ainsi que des militaires et des anciens combattants. La montée des deux marches par Elizabeth II, son geste lent pour déposer la gerbe écarlate, puis sa descente à reculons, faisaient partie des principaux rituels du royaume.

Le prince Charles a déposé une gerbe en hommage aux morts des deux guerres mondiales à Londres, le 12 novembre. / TOLGA AKMEN / AFP

Spéculations sur les scénarios de sa succession

En six décennies, la reine n’a manqué ce « devoir royal » qu’à six occasions : deux fois lorsqu’elle était enceinte – du prince Andrew en 1959 et du prince Edward en 1963 –, et quatre fois alors qu’elle était en visite à l’étranger : au Ghana en 1961, au Brésil en 1968, au Kenya en 1983 et en Afrique du Sud en 1999. En octobre, Buckingham avait annoncé que la reine avait demandé à son fils aîné de la remplacer pour ce 12 novembre et qu’elle souhaitait se trouver « aux côtés du duc d’Edimbourg [le prince Philip, son époux] et serait au balcon ». Agé de 96 ans, le prince Philip a lui-même cessé cet automne d’honorer des engagements publics.

Le retrait très progressif de la reine au profit du prince de Galles, surtout pour les déplacements à l’étranger, n’est pas nouveau, et Elizabeth II continue d’assurer l’essentiel de ses fonctions de chef de l’Etat, comme celui qui consiste à recevoir la première ministre chaque semaine lors d’un tête-à-tête, dont le contenu reste strictement secret. Mais le retrait de la souveraine de la cérémonie du 12 novembre relance les spéculations sur les scénarios de sa succession. Si Charles, qui attend depuis des décennies d’être roi, est sans conteste son successeur, seuls 22 % des Britanniques souhaitent, selon un sondage, qu’il accède au trône au moment de la disparition de sa mère. Nettement plus populaire, le prince William, qui suit son père dans l’ordre de succession, est considéré favorablement par 59 % des personnes interrogées. Mais la monarchie n’est précisément pas une affaire d’opinion publique et, sauf s’il disparaissait avant sa mère, Charles sera roi d’Angleterre.

Le prince de Galles, déjà critiqué pour ses interventions auprès des ministres et des administrations, a vu son nom cité dans le scandale de l’évasion fiscale des « Paradise Papers » pour les investissements aux îles Caïmans de son duché de Cornouailles, la structure gérant son patrimoine. De même a été révélé que 10 millions de livres (11,3 millions d’euros) d’avoirs de la reine Elizabeth ont été placés aux îles Caïmans et aux Bermudes. Ces fonds sont investis dans de nombreuses sociétés, dont Brighthouse, une société de location-vente de meubles et de matériel informatique, accusée de profiter de la misère des Britanniques.