Parti de Bretagne le 4 novembre, le navigateur François Gabart raconte pour « Le Monde » son tour du monde en solitaire à bord d’un trimaran qu’il essaiera de ramener à bon port en moins de 49 jours, record à battre. Premier volet.

Francois Gabart, au mois d’octobre 2017, lors d’un entraînement en Bretagne avant son départ. / Jean-Marie LIOT / ALeA / Macif

Pour commencer, je vais vous présenter ma petite « maison ». Si je la mettais en location sur un site Internet, je ne saurais pas trop comment la décrire. L’espace d’habitation y est, comment dire, vraiment réduit au minimum : disons environ quatre mètres carrés. J’ai une bannette pour dormir, un petit réchaud pour la cuisine… et, laissez-moi le temps de regarder autour de moi, c’est à peu près tout. Rien de superflu. Attention aussi au moment de se redresser : la cellule doit faire 1,80 m de haut tout au plus.

Mais, pour parler comme une agence immobilière, ça reste quand même un bien d’exception ! Imaginez une maison avec une vue sur la mer à 360 degrés. Exceptionnel, non ? Tiens, il y aurait même une sorte de grand trampoline pour jouer juste devant.

Vivre sur un bateau, surtout un bateau de course, ça change énormément de choses. J’essaie quand même de garder certaines des habitudes que j’ai à terre, en Bretagne. Pour la cuisine, par exemple. J’ai finalement assez peu de plats lyophilisés, pourtant plus légers. Je préfère manger des plats sous vide, d’autant que c’est un copain du lycée qui me les a préparés. Il est devenu chef, alors j’en profite !

J’ai aussi pris des oranges, des pamplemousses, mais ça va bientôt disparaître. Des produits frais, je n’en ai quasiment plus. Je mange des choses assez classiques : riz, poisson, céréales, semoule, ratatouille. Là, je vais ce manger ce soir [vendredi 10 novembre] les carottes que je vois devant moi. Avec la chaleur qu’il fait le long du Brésil, je n’aurai même pas besoin de les réchauffer. Il fait déjà assez chaud comme ça dans le bateau : 31 degrés…

Ben Mazué en boucle

Je m’habille le plus légèrement possible, mais je garde sur moi un lycra hyper fin pour me protéger. Aujourd’hui j’ai passé une journée à bricoler, j’ai poncé pas mal le bateau, et cette poussière de carbone ne fait jamais de bien. Ici, il y a toujours de quoi faire. Ici, je suis tout seul sur un bateau qui va vite. Pas vraiment le temps de rêvasser sur son canapé comme on pourrait le faire sur la terre ferme.

La nuit dernière, j’ai dormi quelque chose comme 4 heures et demie. La nuit d’avant, seulement 2 h 30 de sommeil sur cette bannette qui bouge tout le temps, pour ne rien arranger. Depuis mon départ, j’ai dû dormir entre 2 heures et 6 heures par nuit à peu près. Le corps humain est impressionnant quand même, avec toute cette fatigue qu’il peut accumuler.

Après, je fais attention : la semaine prochaine il y aura en principe moins de manœuvres à faire, j’essaierai de dormir le plus possible, faire le plein d’énergie. Mais quoi qu’il arrive, je sais qu’à la fin de ce tour du monde, il va falloir des semaines, voire des mois pour m’en remettre. Sur le dernier Vendée Globe [course autour du monde qu’il a remportée, en 2013], il m’a fallu plus d’un an, je pense, pour retrouver la même fraîcheur que j’avais au début.

Une chose de sûre, déjà : avec tous les gigaoctets de musique que j’ai sur mon téléphone portable, j’ai largement de quoi tenir pendant tout le parcours. Depuis quelques semaines, j’écoute en boucle le dernier album de Ben Mazué. Pour l’instant, je n’arrive pas à m’en défaire. Je vous dirai ce qu’il en est dans deux semaines…

François Gabart

Francois Gabart, au mois d’octobre 2017, lors d’un entraînement en Bretagne avant le départ de son tour du monde. / Vincent Curutchet / ALeA / Macif