FILE - In this Feb. 28, 2017 file photo, a passenger airplane flies behind steam and white smoke emitted from a coal-fired power plant in Beijing. On Monday, Nov. 13, 2017, scientists projected that global carbon pollution has risen in 2017 after three straight years when the heat-trapping gas didn’t go up at all. (AP Photo/Andy Wong, File) / Andy Wong / AP

Derrière les promesses de décarbonation de l’économie, le greenwashing et les paroles politiques, la réalité est toujours là, impitoyable. Après trois années de stagnation, les émissions humaines de dioxyde de carbone (CO2) sont reparties à la hausse en 2017, ruinant les espoirs de voir l’humanité sur le point d’entamer la décrue de ses émissions. C’est le constat majeur des travaux publiés, lundi 13 novembre dans la revue Earth System Science Data, par le consortium scientifique Global Carbon Project (GCP) qui dresse, chaque année depuis 2006, le bilan des émissions mondiales de CO2. La publication devrait faire office de piqûre de rappel aux délégués des Etats parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, réunis pour la COP23 à Bonn, en Allemagne, jusqu’au 17 novembre.

Selon les projections du GCP, l’année en cours devrait se clôturer sur un total d’environ 41 milliards de tonnes de CO2 (GtCO2) émises par la combustion de ressources fossiles, les activités industrielles et l’utilisation des terres – essentiellement la déforestation. Soit un bilan en hausse de quelque 2 % par rapport à l’année précédente. Les auteurs soulignent que la principale raison à cette hausse – qui met fin à un plateau de trois ans – est le redémarrage des émissions chinoises, en hausse d’environ 3,5 %, tirées par une croissance économique estimée autour de 6,8 %. « La croissance des émissions de 2017 est fondée sur l’augmentation projetée de la consommation chinoise de charbon (+ 3 %), de pétrole (+ 5 %) et de gaz naturel (+ 12 %) », selon les auteurs.

Pékin demeure, plus que jamais, le premier émetteur de CO2 : 10,2 GtCO2, soit plus du quart des émissions mondiales, sont chinoises. Viennent ensuite les Etats-Unis (5,3 GtCO2), l’Inde (2,4 GtCO2), la Russie (1,6 GtCO2), le Japon (1,2 GtCO2), l’Allemagne (0,8 GtCO2), et l’Iran… La France arrive à la 19e place, derrière le Royaume-Uni et l’Italie. Considérée dans son ensemble, l’Union européenne arrive en troisième position, avec des émissions de 3,5 GtCO2.

Les données rassemblées par les scientifiques du GCP suggèrent en outre que le découplage entre croissance économique et croissance des émissions de carbone est possible : au cours de la décennie 2007-2016, vingt-deux pays représentant un cinquième des émissions mondiales ont ainsi vu leurs productions de CO2 décroître tout en parvenant à faire croître leur économie. C’est toutefois encore loin d’être une règle générale. Au cours des dix dernières années et dans la majorité des cas – pour cent un pays représentant la moitié des émissions –, faire grimper le produit intérieur brut entraîne mécaniquement la production de CO2.

« En dépit de la hausse de 2017, il est peu probable que les émissions mondiales reviennent à des taux de croissance durablement élevés, comme ce qui a été observé dans les années 2000 avec des augmentations de plus de 2 % par an, écrivent les chercheurs. Il est plus probable que les émissions vont se stabiliser, ou croître légèrement, grosso modo en accord avec les engagements nationaux soumis dans le cadre de l’accord de Paris. » Cependant, ces engagements sont encore loin de mettre l’atmosphère terrestre sur la trajectoire des 2 0C de réchauffement.

Une semaine avant le début de la COP23, une autre synthèse, supervisée cette fois par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), jugeait insuffisants les engagements nationaux pris fin 2015 pour contenir le réchauffement sous le seuil critique des 2 0C. A supposer que les 195 Etats signataires de l’accord de Paris respectent l’intégralité de leurs promesses, la planète s’achemine vers une hausse du thermomètre d’au moins 3 0C à la fin du siècle, alertent les experts onusiens.

A Bonn, les délégations des pays en développement attendent donc des pays riches, très émetteurs de gaz à effet de serre, qu’ils rehaussent leurs ambitions climatiques, mais aussi qu’ils respectent leur parole donnée. Pendant la première semaine de négociations a notamment resurgi la question des objectifs fixés dans le cadre du protocole de Kyoto, exigeant des efforts de réduction d’émissions des seuls Etats développés. Or, de nombreuses régions du Nord, à commencer par l’Union européenne, n’ont toujours pas ratifié la seconde période d’engagement de Kyoto, qui court de janvier 2013 à décembre 2020.

« Si nous ne respectons pas les décisions prises, comment construire la confiance, et comment donner une bonne base à l’application de l’accord de Paris ? », a souligné le négociateur chinois Chen Zhihua, très à l’aise pour aborder le sujet puisque la Chine, devenue depuis le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, reste considérée comme une nation émergente, non soumise aux décisions de Kyoto. Le soutien financier aux Etats les plus vulnérables est l’autre sujet de crispation de la COP23, qui a placé ses travaux sous la présidence d’un pays lui-même fragilisé par le changement climatique, les îles Fidji.