Les ministres des affaires étrangères et de la défense européens entourent la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, à Bruxelles, le 13 novembre. | Emmanuel Dunand / AP

Vingt-trois pays de l’Union européenne (UE) ont pris acte, lundi 13 novembre à Bruxelles, de leur intention de s’engager dans une coopération militaire renforcée, dans le développement d’armements ainsi que dans les opérations extérieures, avec pour ambition affichée de relancer l’Europe de la défense.

« Nous vivons un moment historique pour la défense européenne », a commenté la diplomate en chef de l’Union, Federica Mogherini, à l’issue de la signature par les ministres de 23 Etats membres de l’UE d’un document où sont listés 20 engagements jetant les bases de leur « coopération structurée permanente » (CSP). Mme Mogherini estime que ce nouvel outil va « permettre de développer davantage nos capacités militaires pour renforcer notre autonomie stratégique ».

Des projets de développement de matériel

Cette coopération devrait prendre, dans un premier temps, la forme de projets de développement de matériel, tel que des chars, des drones ou des avions de transport militaire, mais aussi d’un hôpital de campagne européen. L’idée, à terme, est qu’un quartier général opérationnel pour les unités de combat, ou une plate-forme logistique d’opérations pour l’UE, puisse être mis en place.

Plus de 50 projets ont été déposés, a précisé Mme Mogherini, qui espère que la CSP permettra des « économies d’échelle » pour l’industrie de la défense européenne aujourd’hui trop fragmentée par rapport à la concurrence américaine.

Cette initiative est une « réponse au développement des attentats » à l’automne 2015, mais également « à la crise en Crimée », a souligné le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, en arrivant à Bruxelles.

Soixante ans de débats infructueux

Par ailleurs les pays qui rejoignent la CSP s’engagent à « augmenter régulièrement leurs budgets de défense », engagement qui sera « juridiquement contraignant ». Les participants promettent, en outre, de pousser leurs investissements de recherche à 2 % de leur budget de défense.

Depuis l’échec de la mise en place d’une Communauté européenne de défense (CED) il y a soixante ans, les Européens n’ont jamais réussi à avancer dans ce domaine, la plupart des pays gardant jalousement la main sur ce qui, à leurs yeux, relevait strictement de la souveraineté nationale. Une situation qui a largement évolué depuis 2014, avec notamment l’annexion de la Crimée par la Russie, le conflit ukrainien, le Brexit et l’élection de Donald Trump.

« Il était important pour nous, particulièrement après l’élection du président américain, que nous puissions nous organiser indépendamment, en tant qu’Européens. Ceci est complémentaire à l’OTAN, mais nous voyons que personne ne va résoudre à notre place les problèmes de sécurité que l’Europe a dans son voisinage. Nous devons le faire nous-mêmes », a insisté la ministre de la défense allemande, Ursula von der Leyen.

Influence de l’Allemagne

Pour la plupart des diplomates et experts, la vision française de la CSP, exigeante car tournée vers la participation à des missions potentiellement risquées, a été supplantée par la vision allemande, surtout soucieuse de faire participer le plus grand nombre de pays.

Alors que la sélection des projets se fera à l’unanimité, cette orientation fait dire à Frédéric Mauro, expert des questions de défense régulièrement interrogé par le Parlement européen, que la coopération « n’a aucune chance de marcher ».

Le Royaume-Uni, qui s’est toujours farouchement opposé à toute « armée européenne », est aujourd’hui exclu de la CSP. Avec le Brexit prévu en mars 2019, Londres n’a pas voulu faire obstacle à cette initiative, qualifiée d’« idée prometteuse » par son ministre des affaires étrangères, Boris Johnson.

L’UE veut aussi se doter prochainement d’un fonds pour stimuler l’industrie européenne de la défense, qui sera à terme doté de 5,5 milliards d’euros par an. Elle a aussi créé au printemps son premier quartier général militaire, qui pilote trois opérations non combattantes en Afrique.

L’Irlande, le Portugal et Malte n’ont pas rejoint à ce stade la CSP, qui sera officiellement lancée en décembre.