A Bonn, le 15 novembre. / Martin Meissner / AP

COP23, acte deux. Après dix jours de discussions techniques, la conférence climat des Nations unies est entrée dans sa phase politique avec la venue à Bonn d’une trentaine de chefs d’Etat et de gouvernement, dont Angela Merkel et Emmanuel Macron, mercredi 15 novembre. Pendant que les groupes de travail poursuivent leurs travaux dans le huis clos des salles de négociation du World Conference Center, les dirigeants vont s’efforcer de prouver, à la tribune de l’assemblée plénière, leur bonne foi face au défi climatique qui déstabilise la planète.

Cette « séquence de haut niveau », selon le vocable onusien, s’est ouverte par l’allocution du premier ministre des îles Fidji, qui président pour un an les débats de la COP. Frank Bainimarama, représentant d’une nation insulaire déjà affectée par le changement climatique, a insisté sur l’importance d’avancer dans la mise en œuvre de l’accord de Paris conclu fin 2015 pour limiter le réchauffement sous le seuil des 2°C.

Une urgence rappelée ensuite par le président allemand Frank-Walter Steinmeier, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, le président de l’assemblée générale des Nations unies Miroslav Lajcak et la secrétaire exécutive de la CCNUCC (pour Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques), l’institution qui abrite les négociations sur le climat.

L’Allemagne au secours des pays du Sud

Mais ce sont surtout les discours des chefs d’Etat et de gouvernement, garants des engagements pris par leurs pays à Paris, lors de la COP21 en décembre 2015, que les délégués et les observateurs de la CCNUCC sont impatients d’entendre. A commencer par ceux d’Angela Merkel et d’Emmanuel Macron, les premiers dirigeants à prendre la parole dans ce long tunnel de discours officiels qui ne prendra fin que vendredi, jour de clôture de la COP23.

L’Allemagne et la France sont les deux seuls pays européens, et les deux seuls membres du club des pays riches du G7, à dépêcher le chef de leur exécutif à Bonn. Côté américain, le sous-secrétaire d’Etat aux affaires politiques, Thomas Shannon, qui devait prendre la parole demain, sera finalement remplacé par Judith Garber, vice-secrétaire d’Etat aux océans et aux affaires scientifiques et environnementales internationales.

Sans bloquer les discussions, le deuxième plus gros émetteur de gaz à effet de serre fait profil bas depuis l’ouverture de la COP23, le 6 novembre. Les pays en développement, qui attendent des nations industrialisées des paroles fortes et des engagements tenus, sont donc attentifs aux propos aux signaux envoyés par Berlin et Paris. Ils retiendront sans doute le choix d’Angela Merkel d’insister sur les risques provoqués par le changement climatique et le besoin d’aider les pays du Sud à s’y adapter. L’Allemagne va rajouter 100 millions d’euros, dont 50 millions dans le Fonds mondial d’adaptation, à l’aide aux pays les plus vulnérables. « Nous devons être pris au sérieux », s’est justifiée la chancelière.

Soutien aux scientifiques du GIEC

En matière de dérèglement du climat, « le seuil de l’irréversible a été franchi », a averti ensuite Emmanuel Macron, débutant son discours sur le soutien nécessaire aux scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), menacés dans leurs recherches par l’annonce américaine de ne plus financer l’institution. Plus du tiers du budget du GIEC dépend de Washington. « L’Europe se substituera aux Américains et la France sera au rendez-vous, a promis M. Macron, sans préciser les clés de répartition de cet effort européen. Pas un centime ne manquera au GIEC en 2018. »

L’Europe doit jouer les premiers rôles, estime le chef de l’Etat. Mais c’est surtout la crédibilité du couple franco-allemand qui se joue à la COP23. Dans une lettre ouverte envoyée le 13 novembre, dix-huit ONG allemandes et françaises somment les deux dirigeants de « s’affirmer comme le moteur d’un projet européen à la hauteur des défis sur le climat, traduisant les objectifs de l’accord de Paris en actions concrètes ». Les organisations environnementales invitent notamment l’Allemagne et la France à soutenir, au sein de la Commission européenne, l’élaboration d’un paquet énergie climat ambitieux pour 2030, « en rehaussant bien avant 2020 les objectifs pour 2030 ».

L’Allemagne, qui ne pourra pas remplir son objectif de réduction de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre en 2020 par rapport à 1990, est pointée du doigt pour son recours massif au charbon, la plus polluante des énergies fossiles. « On voit se dessiner dans l’Union européenne une coalition pour sortir du charbon, dont les premiers rangs sont occupés par le Royaume-Uni, la Finlande, la France, les Pays-Bas et l’Italie, observe Michael Schäfer, du WWF Allemagne. Mais l’Allemagne n’en fait pas partie ».

Négociations de coalition à Berlin

La question du charbon est « cruciale dans les négociations en cours pour former une coalition », a convenu Mme Merkel, qui a rappelé aussi que le sujet était conflictuel et comportait des impacts économiques et sociaux non négligeables. Or les libéraux ne veulent pas d’échéance pour renoncer à cette énergie bon marché, qui représente 40 % de l’électricité consommée en Allemagne, et les Verts, viennent d’abandonner la date de 2030 qu’ils défendaient pendant la campagne.

Alors que l’étoile de la chancelière allemande pâlit, Emmanuel Macron cherche à s’imposer en nouveau champion du climat. A l’annonce du retrait américain de l’accord de Paris, le président français a été le premier chef d’Etat à regretter publiquement ce choix, inventant pour l’occasion un nouveau slogan, « Make our planet great again ».

Quelques semaines plus tard, en clôture du G20, à Hambourg, il a annoncé la tenue d’une réunion à Paris, le 12 décembre, date anniversaire des deux ans de l’accord de la COP21. Elle devrait réunir une centaine de chefs d’Etat et de gouvernement pour mobiliser la communauté internationale sur les financements climat. A la tribune de la CCNUCC, il a rappelé l’enjeu du sommet du 12 décembre pour « lister les premières victoires et dresser le plan de bataille à venir ».