« Je ne peux pas dire avec 100 % de certitude que chaque combattant a été identifié à son départ de Rakka », a confirmé un porte-parole de la coalition. / BULENT KILIC / AFP

L’« accord » passé à la fin de la bataille de Rakka qui a permis aux derniers combattants djihadistes de l’Etat islamique (EI) de se rendre ou d’être évacués, aux civils de partir et aux Forces démocratiques syrienne (FDS) de déclarer Rakka libérée, le 17 octobre, n’en finit pas de faire des vagues.

Mardi soir, dans un communiqué de son ministère des affaires étrangères, la Turquie a déploré cet accord qui aurait permis à des djihadistes de quitter la ville syrienne, estimant qu’il montrait le bien-fondé de ses mises en garde à Washington contre sa collaboration avec les milices kurdes. Ankara considère les unités de protections du peuple (YPG), des milices kurdes, comme une « organisation terroriste ». Or, elles sont la principale composante des FDS.

Le 14 octobre, juste avant la chute de Rakka, dont l’EI avait fait la capitale de son « califat », un convoi présenté comme transportant plus de 3 000 civils avait quitté la ville à la faveur d’un accord négocié avec le « Conseil civil », une administration locale mise en place par les combattants antidjihadistes kurdes et arabes des Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenues par la coalition internationale. La coalition avait alors affirmé avoir reçu l’assurance des FDS que les combattants étrangers de l’EI ne pourraient pas quitter la ville.

« Plusieurs centaines de combattants »

Mais dans un reportage publié lundi, la BBC a rapporté les propos de plusieurs chauffeurs des véhicules du convoi, qui ont témoigné avoir transporté plusieurs centaines de combattants lourdement armés, notamment des étrangers. Selon la BBC, plusieurs d’entre eux auraient réussi à passer en Turquie pour y préparer des attentats en Europe.

Fall of Raqqa: The secret deal - BBC News
Durée : 07:09

« La révélation selon laquelle les soi-disant “Forces démocratiques syriennes” ont conclu un accord avec l’organisation terroriste Daech [acronyme arabe de l’EI] pour évacuer un grand nombre de ses terroristes de Rakka est extrêmement grave et édifiante », a déclaré le ministère des affaires étrangères turc dans un communiqué publié tard mardi. « Cet accord est un nouvel exemple que combattre une organisation terroriste en s’aidant d’une autre se traduira par une collusion entre ces deux organisations », a écrit le ministère.

La Turquie frappée par l’EI

La Turquie a été à plusieurs reprises la cible d’attentats sanglants attribués ou revendiqués par l’EI. Le dernier en date a fait 39 morts durant la nuit du Nouvel An dans une discothèque huppée d’Istanbul. Depuis, les autorités multiplient les opérations contre des cellules de l’EI à travers le pays.

Ainsi, selon un décompte du ministère de l’intérieur turc, 438 personnes soupçonnées de liens avec l’EI, dont de nombreux étrangers, ont été arrêtées depuis le début du mois. Environ 450 personnes avaient été arrêtées en octobre.

L’accord entre la coalition et les FDS en question

Interrogé mardi au sujet de cet accord, le porte-parole de la coalition, le colonel Ryan Dillon, a reconnu que « sur les 3 500 civils qui ont quitté Rakka à ce moment-là, moins de 300 ont été identifiés comme de possibles combattants de l’EI ». L’accord avec les FDS stipulait que les photos et les empreintes digitales de tous les hommes en âge de combattre seraient vérifiées pour éviter que des djihadistes connus puissent s’échapper, a ajouté le colonel Dillon.

Mais « je ne peux pas dire avec 100 % de certitude que chaque combattant a été identifié à son départ de Rakka », a-t-il ajouté. « Que certains de ces combattants aient pu évoluer parmi les civils ou se faire passer pour un affilié local à l’EI, c’est possible », a précisé le porte-parole. Lorsque le convoi est parti de Rakka, il a été surveillé par les drones de la coalition, mais il a été décidé de ne pas le bombarder en raison de la présence de ces 3 000 civils, a-t-il expliqué.