Le ministre des affaires étrangères libanais, Bassel Gibran, à l’ambassade du Liban, à Paris, mardi 14 novembre. / LIONEL BONAVENTURE / AFP

Depuis la démission surprise, le 4 novembre, du premier ministre libanais Saad Hariri depuis Riyad (Arabie saoudite), d’où il a dénoncé le s ingérences de l’Iran dans son pays par le biais du mouvement chiite Hezbollah, la France multiplie les initiatives pour résoudre la crise au Liban, et l’empêcher de devenir un terrain d’affrontement entre l’Arabie saoudite et l’Iran.

Après une visite éclair à Riyad où il a évoqué le sort du Liban avec le prince héritier Mohammed ben Salmane, le président français a reçu mardi Gibran Bassil, ministre des affaires étrangères libanais et membre du Courant patriotique libre (dirigé par le président Michel Aoun et allié du Hezbollah). Les deux hommes ont réitéré leur souhait que M. Hariri rentre au Liban, comme il l’a promis le 12 novembre.

Lors de votre rencontre à l’Elysée, quelle a été la teneur de vos échanges avec le président Emmanuel Macron ?

Gibran Bassil : J’ai exprimé ma gratitude envers la position de la France et le leadership qu’a démontré le président Emmanuel Macron. La France assume son rôle de défenseur des droits et de porteur du flambeau de la liberté. J’ai également dit au président français la volonté du peuple libanais de vivre en paix. Cette crise n’est pas normale. Nous cherchons à la régler par la voie des relations bilatérales que le Liban entretient avec l’Arabie saoudite, qui ont toujours été bonnes. Nous espérons le retour du premier ministre Hariri dans son pays, auprès de son peuple.

Des soupçons pèsent sur la liberté de mouvement et de parole dont jouit M. Hariri à Riyad. Mardi, il a de nouveau assuré sur Twitter qu’il allait bien et qu’il regagnerait son pays dans les deux jours. Est-ce la fin de la crise au Liban ?

Dimanche, le premier ministre Hariri a exprimé sa volonté de rentrer d’ici deux à trois jours. Son retour est imminent, ce qui veut dire que nous n’avons pas besoin de recourir à une autre alternative. La crise sera finie dès lors que le premier ministre Hariri sera de retour au Liban. Il reste d’autres crises dans la région à résoudre.

Etes-vous certain que M. Hariri rentrera ? Savez-vous s’il est libre de ses mouvements et de sa parole ?

Je ne peux pas dire avec certitude qu’il rentrera. Le fait qu’il rentre est la seule chose qui pourra prouver qu’il est libre. Sa situation actuellement est ambiguë et anormale. S’il ne rentre pas, il y a des conventions internationales pour régler la question de son traitement et de l’immunité de sa personne morale et physique.

La France a indiqué travailler à des initiatives avec le Liban en cas de non-retour de M. Hariri. Quelles pourraient être ces initiatives ?

Nous avons évoqué avec la France de nombreuses idées pour avancer. Nous ne sommes par encore dans la situation de chercher une alternative. On veut un retour à la normale. Avec ce gouvernement, nous étions entrain de faire passer le Liban à une ère de stabilité. Les Libanais sont frustrés. La dignité de tous les Libanais a été affectée par cette crise. Il est notre premier ministre à tous.

S’il rentre, pensez-vous que M. Hariri remettra sa démission ?

La décision lui revient. Il y a des règles constitutionnelles à suivre, que ce soit pour présenter sa démission ou revenir sur cette décision. Ce qui nous importe est qu’il soit dans les conditions de prendre librement sa décision.

Lors de son entretien télévisé dimanche, M. Hariri a déclaré qu’il n’était pas possible de continuer avec les ingérences de l’Iran et du Hezbollah. Il a évoqué la possibilité de « revoir sa démission » si cessaient les interventions de certains acteurs libanais dans les conflits régionaux. Des rééquilibrages sont-ils envisageables ?

On cherche tous le point d’équilibre. Le Liban est le pays des équilibres. Nous sommes prêts à dialoguer dans des conditions libres. Nous avons avancé par le passé, nous pouvons avancer aussi après.

Considérant les pressions que semble pouvoir exercer Riyad sur M. Hariri, est-il pour vous concevable qu’il puisse rester premier ministre ?

Oui, il est toujours notre premier ministre. Nous croyons toujours dans sa personne, sa liberté et son autonomie. Nous n’avons pas besoin d’être chapeautés par d’autres pays.

Un ministre saoudien a déclaré que le missile lancé par les rebelles houthistes yéménites le 4 novembre, qui a été intercepté au-dessus de Riyad, était un acte de guerre du Liban contre l’Arabie saoudite.

Nous réfutons cela. Le Liban n’a jamais agressé un autre pays. Le Liban est un petit pays qui veut simplement vivre en paix. On ne peut pas l’accuser d’agresser un autre pays. Si quelqu’un a des problèmes à régler avec l’Iran, qu’il les règle avec l’Iran. Nous, nous maintenons une politique extérieure indépendante qui fait primer les intérêts du Liban. Nous ne voulons pas nous ingérer dans les affaires des autres pays.

Craignez-vous que l’Arabie saoudite prenne des mesures de rétorsion contre le Liban ?

Toute mesure contre le Liban serait une punition, non seulement pour notre pays mais pour la région tout entière. Le Liban a accueilli un afflux massif de réfugiés syriens. Une déstabilisation du Liban pourrait entraîner un débordement en Europe. Les premiers touchés par une crise seraient les déplacés syriens. Nous voulons la stabilité pour le Liban et pour la région.