Eric Lombard. / Rémy Deluze / Generali France

Après plusieurs mois d’incertitude, la Caisse des dépôts (CDC) sait enfin qui présidera à sa destinée pour les cinq prochaines années. L’Elysée a proposé, jeudi 16 novembre, l’ancien patron de Generali France, Eric Lombard, au poste de directeur général de l’institution financière publique.

Ce processus de nomination a pris l’allure d’un feuilleton qui, depuis le début de l’été, a tenu en haleine le monde de la finance et de la haute fonction publique. L’établissement n’avait en effet plus de maître à bord depuis le 23 août. Depuis cette date, Pierre-René Lemas, le patron sortant qui avait atteint l’âge légal de la retraite préfectorale, assurait l’intérim en attendant que l’Elysée lui trouve un successeur.

Pendant de longues semaines, l’Elysée a cherché le bon candidat, et a eu la surprise d’essuyer plusieurs refus dans le cercle des grands commis de l’Etat. Puis, lorsque le choix d’Emmanuel Macron s’est finalement porté sur Eric Lombard, un obstacle a surgi de manière inattendue. Le député (LRM) Gilles Le Gendre, élu au cours de l’été dernier président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts, a signalé qu’il avait, dans ses précédentes fonctions, conseillé Generali France alors qu’Eric Lombard dirigeait cette maison. « Un hasard incroyable, car Gilles Le Gendre n’avait pas des milliers de clients », s’amuse un proche du député.

Il revient désormais aux commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat de valider la décision de l’Elysée, avant la nomination officielle d’Eric Lombard par décret du président de la République, pour une durée de cinq ans.

Feuille de route fixée par Emmanuel Macron

C’est l’une des particularités de cette fonction, souvent considérée comme l’une des plus prestigieuse de la République : une fois désigné, le directeur général de la Caisse bénéficie en principe durant son mandat d’une véritable indépendance. A sa prise de fonction, il doit d’ailleurs prêter serment devant la Commission de surveillance de l’institution en jurant, notamment, « de défendre l’autonomie de l’établissement ». D’où le soin mis par l’exécutif à choisir un candidat à la fois loyal et en accord sur le projet de réforme que devra conduire la Caisse.

Selon des sources concordantes, cette feuille de route fera de la lutte contre la fracture territoriale une priorité de la CDC, dans la continuité du travail engagé par Pierre-René Lemas, le patron sortant, déjà résolument tourné vers les élus locaux et les territoires.

L’institution financière publique devrait mettre l’accent sur la rénovation urbaine des villes en difficulté, en concentrant des financements plus conséquents sur ces zones prioritaires, afin notamment de participer à la revitalisation des centres-villes. La Caisse, pilier du financement du logement social, travaillera également sur l’allongement de la durée des prêts et la modification de la structure de ces crédits pour accompagner la transformation du secteur.

La Caisse fera également évoluer ses participations, mais le programme de cessions devrait s’opérer « sur la durée ». « Il n’y a pas d’urgence », souligne un proche du dossier. Un dossier brûlant, en revanche, mobilisera rapidement l’attention du nouveau directeur général de la CDC : le projet d’une prise de contrôle de CNP Assurances par le groupe La Poste. De longue date, l’opérateur postal souhaite devenir un grand bancassureur, à l’image du Crédit agricole ou du Crédit mutuel. L’objectif ? Diversifier ses activités et ses revenus alors que son métier historique, le courrier, ne cesse de décliner. La Caisse, actionnaire de La Poste (26 %) et de la CNP (41 %), s’était ces dernières années érigée contre ce rapprochement. Il en va désormais autrement et il reviendra au patron de l’institution d’étudier les différentes options sur la table.

Patron étiqueté à gauche

Pour diriger le paquebot qu’est la Caisse des dépôts, Emmanuel Macron a choisi un financier solide de 59 ans, diplômé d’HEC, qui, comme lui, a débuté sa carrière comme banquier d’affaires. D’abord responsable des fusions acquisitions « banque-assurance » chez Paribas, Eric Lombard a ensuite bifurqué vers l’assurance, en dirigeant Cardif (filiale de BNP Paribas) puis, en 2013, Generali France.

Patron étiqueté à gauche, cet ancien conseiller ministériel de Michel Sapin, entre 1991 et 1993, reste l’un des piliers des Gracques, ce think tank aux valeurs sociales libérales, dont Emmanuel Macron fut un compagnon de route.