Emeric Fortin dirige le master « transport et développement durable » et est responsable du développement durable à l’Ecole des ponts ParisTech.

« Vers un changement de mentalité »

« A l’Ecole des ponts ParisTech, le développement durable est diffusé dans tous les sujets, pour un changement profond de mentalité. Il ne s’agit pas de proposer seulement dix heures sur la biodiversité ou le changement climatique ! On travaille à prévoir des infrastructures et des technologies qui ont une durée de vie longue. Les étudiants du master “transport et développement durable” doivent donc raisonner sur le long terme, en prenant l’incertitude en compte. Avant, par exemple, on ne calculait que les coûts et les bénéfices d’un véhicule électrique. Maintenant, on considère le fait que cette technologie nous protège en cas de changement climatique accéléré ou en cas de hausse du prix du pétrole.

Il y a parfois une incompréhension des élèves car, en classe prépa, ils sont habitués à chercher la solution unique à des problèmes bien posés. Dans mon cours intitulé “Ingénieur pour un monde complexe”, je leur explique que les problèmes sont mal posés et qu’il y a plusieurs solutions possibles. En outre, les entreprises exigent des compétences techniques poussées à la sortie. Le temps passé sur ces nouvelles capacités cognitives liées au développement durable est du temps en moins pour la technique pure. Les employeurs voudraient des ingénieurs qui raisonnent différemment à l’âge de 35 ans, mais sans qu’ils aient appris à le faire à 20 ans, et sans être repassés par la case formation. »

Eduardo Palmieri est salarié de l’association Ingénieurs sans frontières, qui incite notamment à former des « ingénieurs citoyens ».

« L’orientation pro-industrielle est très forte »

« Les écoles sont sincères dans leur volonté de produire des ingénieurs en phase avec le monde du travail tel qu’elles le voient, c’est-à-dire plutôt des ingénieurs environnement dans un groupe pétrolier comme Total que dans un petit syndicat de gestion des déchets ou une association environnementale. L’orientation pro-industrielle est très forte. A Polytechnique, dans un cours sur les énergies du XXIe siècle, la principale source présentée était ­le nucléaire. A Centrale, on propose deux heures seulement sur la décroissance, en la présentant négativement.

De même, les stages dans la fonction publique ou le milieu associatif sont moins valorisés que ceux en grande entreprise. L’une de nos membres a opté pour une société coopérative, ça a bien fait rigoler son jury de soutenance. Cela pose aussi la question de la gouvernance des écoles d’ingénieurs : EADS, Total ou des fédérations industrielles apportent des fonds et votent au conseil d’administration. Leur poids limite forcément les visions alternatives. Néanmoins, les formations différenciées existent. A AgroParisTech, par exemple, on peut se spécialiser autant sur les OGM qu’en ­agroécologie. Mais pour choisir son école selon ce critère du développement durable, mieux vaut s’informer auprès des élèves que s’en tenir aux plaquettes institutionnelles. »

« Le Monde » aide les jeunes à s’orienter vers les études supérieures

Pour aider les 16-25 ans, leurs familles et les enseignants à se formuler les bonnes questions, Le Monde organise les conférences O21/s’orienter au 21e siècle, à Nancy (1er et 2 décembre 2017), Lille (19 et 20 janvier 2018), Nantes (16 et 17 février 2018), Bordeaux (2 et 3 mars 2018) et Paris (17 et 18 mars 2018).

S’y ajoutent des salons étudiants : après le salon des grandes écoles organisé chaque année en novembre, sont prévus le salon des formations artistiques START, samedi 2 et dimanche 3 décembre, et le Salon des masters et mastères spécialisés SAMS. A consulter également, notre rubrique Le Monde Campus, et tout particulièrement ses sous-rubriques APB, O21 et Etudes supérieures.