La façade du château de Villers-Cotterêts (Aisne), joyau de la ­Renaissance, désormais muré aux deux tiers. / MAPIO.NET

Trois cent soixante-deux millions d’euros attribués chaque année au patrimoine bâti, pendant cinq ans, pour l’entretenir, le restaurer et le valoriser – dont 36 millions pour les grands travaux sur les monuments historiques de l’Etat. C’est l’engagement que devait annoncer, vendredi 17 novembre, la ministre de la ­culture, Françoise Nyssen. Soit un budget annuel dédié au patrimoine en progression de 5 % par rapport à 2017.

Les quinze mesures phares ­annoncées par Françoise Nyssen mettent en scène la « stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine » voulue par Emmanuel Macron. « Nous avons la chance d’être dépositaires d’un patrimoine hors du commun, note la ministre. Les Français y sont profondément attachés. C’est une source de fierté. Cette stratégie est l’affirmation d’une ambition forte en faveur du patrimoine. » Outre les volets « formation, transmission, diffusion des savoir-faire des métiers d’art », le projet englobe le patrimoine urbain et vernaculaire : depuis le cœur historique d’une petite ville de province jusqu’au centre-bourg en déshérence d’un village, le ­modeste lavoir comme la halle de pierre ou le fier alignement de ­bâtisses centenaires.

Emmanuel Macron s’est ému, en septembre, de l’état de délabrement du château de Villers-Cotterêts, muré aux deux tiers

Plus question de privilégier les seuls grands et beaux monuments les plus visibles : l’Etat veut s’intéresser aussi à l’architecture régionale, locale, rurale, qui fait la fierté des bourgades et villages de France. Il est prévu de créer, en 2018, un fonds public incitatif de 15 millions d’euros pour aider les communes de moins de 2 000 habitants à sauvegarder leur patrimoine protégé et faire en sorte que les collectivités locales comme les régions s’engagent aux côtés de l’Etat. « Seuls 3 % des monuments historiques appartiennent à l’Etat, indique le ministère. Le quart des 45 000 bâtiments, classés ou inscrits, sont déclarés en mauvais état, et 5 % ­seraient en ­péril », souvent dans des communes de moins de 10 000 habitants. Exemple : le château de Villers-Cotterêts (Aisne), joyau de la ­Renaissance, a été muré aux deux tiers car il est devenu dangereux. Emmanuel Macron s’en est ému, en septembre, et a déclaré qu’il allait restaurer et rouvrir ce pavillon de chasse de François Ier pour en faire un des piliers de la francophonie – rappelant que c’est là que fut dictée l’ordonnance royale faisant du français la langue officielle du royaume.

40 % des édifices protégés appartiennent à des propriétaires privés qui n’ont pas les moyens de les entretenir. Certains se voient freinés par la complexité des ­démarches administratives nécessaires pour solliciter un soutien ­financier public. Un « guichet unique » doit donc être mis en place avec une application numérique pour enregistrer les demandes.

Un « loto du patrimoine »

Côté financement, des mécanismes innovants sont en route. Un « loto du patrimoine » sera inscrit dans le projet de loi de finances rectificatif, avec amendement au règlement de la Française des jeux. Un tirage annuel du Loto sera organisé lors des Journées du patrimoine 2018, ainsi qu’un jeu de grattage.

Les fonds récoltés permettront de soutenir les dossiers urgents, retenus parmi les demandes collectées sur la plate-forme numérique lancée dans le cadre de la mission confiée à Stéphane Bern, en septembre. Celle-ci s’appuie sur la Fondation du patrimoine, dont la logistique est bien rodée et qui a soutenu, depuis vingt ans, 28 000 projets réalisés par des particuliers, collectivités ou associations. Consacrée à la sauvegarde et la valorisation du patrimoine, ladite fondation consacre 75 % de ses actions au patrimoine rural, grâce aux campagnes de dons menées partout en France par 560 délégués bénévoles.

Autre programme d’envergure annoncé : la restauration et la ­revitalisation sociale et économique des petites et moyennes cités historiques – de 4 000 à 50 000 habitants – qui se meurent. Le gouvernement suit les ­recommandations du plan ­national proposé par Yves Dauge, visant à redonner vie à quelque 600 à 800 villes, des « cités remarquables, les grandes oubliées du patrimoine », selon les mots de l’ancien sénateur-maire de Chinon. Le gouvernement lancera, en 2018, une première opération pilote de 9 millions d’euros sur les centres anciens de 17 villes – dont Gien, Romorantin, La ­Châtre, Sancerre, Sedan, Chaumont, Lunéville, Longwy, Bar-le-Duc, Guebwiller, Lodève ou ­Figeac.

L’obtention de l’avis ­« con­forme » des architectes des bâtiments de France (ABF), exigé pour des travaux sur les monuments protégés, est maintenue. Le ministère souhaite que le rôle de conseil et de pédagogie des ABF soit renforcé, en amont, dans un esprit de dialogue avec les élus. Quant à l’option proposée par Stéphane Bern, qui a fait polémique, de faire payer l’entrée dans les cathédrales, elle n’a pas été retenue. La loi de 1905 impose l’accès gratuit aux lieux de culte, rappelle le ministère.