Créée par l'association La Mêlée, La Cantine est un espace de coworking, d'accueil, d'orientation et d'accompagnement des porteurs de projets numeriques au sein de la French Tech Toulouse. / Lydie LECARPENTIER/REA

Ici, tout est orange : le tapis synthétique qui recouvre le sol, les énormes poufs sur lesquels on peut s’affaler pour passer un appel, le paravent en carton qui dissimule la table de réunion, jusqu’aux tiroirs des étagères où sont rangées les tasses à café. Les locaux de Digital Saint-Malo, installés, avec l’aide de l’agglomération, dans le bâtiment de la médiathèque,ressemblent à ce que l’on s’imagine de l’univers des start-up. Par les larges baies vitrées, en se penchant un peu, on aperçoit les mâts des voiliers qui mouillent dans le bassin Duguay-Trouin.

Espoir d’embauches

Mathilde Renversade, responsable opérationnelle de l’association, apprécie ce décor. « Quand on travaille dans le numérique, on vit avec la promesse de travailler n’importe où, de ne pas être attaché à des horaires fixes ni à un lieu physique, de rencontrer une diversité d’acteurs. Et pourtant, on aime être au cœur de la ville, entouré de services, avec la mer pas loin. » La responsable, tout comme les fondateurs des start-up malouines Famileo (journal familial en ligne) ou de Synergiz (réalité ­augmentée), trouvent tout cela à Saint-Malo, ses célèbres remparts, ses plages, ses bars animés, mais aussi sa gare TGV, désormais à deux heures et quart de la gare Montparnasse, à Paris.

« Les villes pratiquent une compétition acharnée pour accueillir les start-upeurs »

Les start-upeurs n’ont plus forcément besoin de bureaux parisiens, à Station F, réacteur de la « start-up nation », ou dans le quartier du Sentier, pour imaginer des projets, lever des fonds et lancer des tendances. « Les villes pratiquent une compétition acharnée pour accueillir ces créateurs, dans l’espoir que l’un d’entre eux embauche, à terme, 10, 20 ou 30 salariés », avance Thomas Werquin, président de l’association Axe culture, un think tank qui se targue d’« alimenter le débat public » dans la métropole de Lille.

Or l’attractivité ne s’improvise pas. Pour M. Werquin, ces entrepreneurs « ont besoin d’une offre flexible de bureaux, de banques pour financer leurs projets, de graphistes et d’un milieu artistique pour les faire connaître, de lieux animés propices aux afterworks, même à 22 ou 23 heures, après une journée de boulot ». Les start-upeurs sont exigeants. Même jeunes, « ils ont déjà beaucoup bougé, à Manchester, Barcelone ou en Australie, dans des villes qui vendent leurs musées, leur qualité de vie et leurs centres urbains », poursuit-il.

A Lille, un incubateur dans une ancienne filature

A Lille, ces atouts se retrouvent selon lui à EuraTechnologies, un incubateur dédié au numérique situé au bord d’un bras de la Deûle, dans une ancienne filature, briques rouges et larges ­fenêtres. Dans ce quartier tra­ditionnellement populaire, on trouve plusieurs brasseries branchées où l’on peut dîner tardivement et refaire le monde. Le site Internet du parc d’activités, qui abrite 160 entreprises, vante son environnement urbain, ses parkings, mais aussi son « accessibilité multimodale », assumant « le parti pris de limiter l’usage de la voiture et d’encourager l’usage des [autres modes de] transport, les pistes cyclables et la circulation des piétons ». Ces modes de déplacement ne font pas peur aux ­jeunes créateurs, habitués, dans les grandes villes du monde où ils ont bourlingué, à cette diversité de moyens de transport.

« Attirer des jeunes actifs qui aiment une ville qui bouge, mais moins polluée et moins chère que Paris »

C’est d’ailleurs parce que Bordeaux est équipée de vélos en ­libre-service que Raphaël Cherrier a pu y créer en 2014 son entreprise, Qucit, spécialisée dans la prédiction des comportements urbains. La société, qui compte aujourd’hui 15 salariés, a d’abord lancé une application permettant de prédire, en analysant les comportements passés, la disponibilité des vélos en location dans les stations VCub. Cette compétence l’a amené à concevoir des applications prédisant les lieux où les automobi­listes peuvent trouver une place de stationnement, et un outil d’analyse du confort des espaces publics. Pour M. Cherrier, qui a installé ses locaux dans une pépinière d’entreprises arborée à Bègles, « on ne peut pas créer une entreprise dédiée à la ville si on ne l’expérimente pas un peu soi-même, dans un environnement urbain compliqué ». La localisation dans la métropole aquitaine lui permet en outre « d’attirer des jeunes actifs qui aiment une ville qui bouge, mais moins polluée et moins chère que Paris », dit-il. Des agréments que Station F ne peut offrir.