Editorial du « Monde ». Jean-Luc Mélenchon avait raison quand il prédisait que la contestation de la réforme du code du travail allait se solder par une « victoire de Macron par K.-O. ». Le leader de La France insoumise s’est révélé impuissant à faire « déferler » le peuple contre le pouvoir et à mobiliser la jeunesse. La quatrième journée d’action syndicale, jeudi 16 novembre, qui visait, au-delà des seules ordonnances, l’ensemble de la « politique libérale » d’Emmanuel Macron, a été un échec cuisant, avec 80 000 manifestants sur toute la France. Six mois après son élection, le président de la République a gagné son pari. Le 28 novembre, il fera voter, sans véritable embûche, la loi de ratification des ordonnances. Le résultat du match est sans appel : 1 pour le chef de l’Etat, 0 pour les syndicats.

Division syndicale

Cette issue prévisible a deux causes principales. La première tient à l’habileté politique du président. Il avait annoncé cette réforme pendant sa campagne et jugeait que son élection le rendait légitime pour la mener à bien. Pressé de la mettre en œuvre, il avait choisi, comme François Mitterrand en 1982, le recours aux ordonnances. Mais il a renoncé à une « méthode bulldozer » où il aurait conduit une concertation pour la galerie et au pas de charge. Au lieu de quoi, les discussions avec les partenaires sociaux ont duré quatre mois et ont pris l’allure d’une négociation. Dès le départ, en annonçant une mobilisation le 12 septembre, la CGT s’est mise hors jeu. Les autres syndicats sont entrés dans la danse. A l’arrivée, ils sont tous critiques, mais la CFDT et FO ont obtenu des concessions qui leur ont permis de dire qu’ils avaient évité la « casse du code du travail »

La seconde cause est la division syndicale, vieille spécificité française. En donnant un peu de grain à moudre à la CFDT et surtout à FO, M. Macron a neutralisé des frondeurs potentiels. Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de FO, qui avait bataillé en 2016 avec la CGT contre la loi El Khomri, est revenu dans le jeu contractuel. Il s’est vu imposer par son « parlement » une action avec la CGT, le 16 novembre, mais son organisation y est allée sur la pointe des pieds. L’unité syndicale n’est jamais une assurance de succès, la division est une garantie d’échec. En 2010, une puissante mobilisation de tous les syndicats contre la réforme des retraites s’est soldée par une victoire de Nicolas Sarkozy. Depuis 2006, avec la mise à mort du contrat première embauche, les syndicats n’ont pas fait reculer un gouvernement.

Cette défaite devrait conduire la CGT à réfléchir sur ses modes de contestation. En 2016, elle a mené, avec FO, quatorze journées d’action pour le retrait de la loi El Khomri. En pure perte. En 2017, sa mobilisation n’a entraîné que le premier cercle de ses militants. Son secrétaire général, Philippe Martinez, incite désormais ses troupes à « résister » dans les entreprises. L’immense majorité des salariés du secteur privé est restée à l’écart. Dans un pays où le syndicalisme est faible (11 % de syndiqués), et où les ordonnances ont peu de chances de lui redonner de la vigueur, des « manifs » à répétition et sans effet sont autant de « démonstrations de faiblesse », selon la formule de Laurent Berger. Il fait la preuve de son inefficacité quand les salariés attendent des résultats. « Les syndicats sont mortels », répète le numéro un de la CFDT. Ils jouent leur survie, comme les partis politiques.