La chancelière allemande, Angela Merkel, et le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, à Berlin, le 20 novembre, après l’échec des négociations de coalition pour former un gouvernement. / AXEL SCHMIDT / REUTERS

C’est un séisme politique qui pourrait s’achever sur une fin de parcours pour Angela Merkel, 63 ans, dont douze à la chancellerie. Mme Merkel doit chercher une issue à la crise en Allemagne après son échec à former un gouvernement. Dans la nuit du dimanche 19 au lundi 20 novembre, après des semaines de tergiversations et de négociations, les conservateurs du parti de Mme Merkel (CDU-CSU), les libéraux (FDP) et les écologistes n’ont pas réussi à former de coalition gouvernementale.

Près de deux mois après les législatives du 24 septembre, le pays n’a donc pas de majorité pour être gouverné. Un scénario qui ne s’était pas produit depuis la fondation de la République fédérale d’Allemagne, en 1949. Faute d’alternative, la première puissance économique européenne se prépare à des semaines ou mois de paralysie, sur le plan national comme en Europe.

  • Que va-t-il se passer dans les jours qui suivent ?

A la suite d’un entretien avec Mme Merkel, le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, a exhorté lundi la classe politique à retourner à la table des négociations pour former un gouvernement. M. Steinmeier a d’ailleurs assuré qu’il s’entretiendrait dans les prochains jours avec les représentants des différents partis politiques.

Il se fixe donc pour objectif de former un gouvernement, repoussant dans l’immédiat la possibilité d’organiser des législatives anticipées, au nom de la stabilité de l’Allemagne et de l’Europe. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne sera pas contraint d’en provoquer s’il échoue.

  • Vers la formation d’un nouveau gouvernement ?

Lors de sa brève intervention lundi – à peine cinq minutes –, Mme Merkel s’est contentée d’une phrase de circonstance :

« En tant que chancelière chargée des affaires courantes [ce qui est constitutionnellement la mission de son gouvernement depuis la rentrée du nouveau Bundestag, le 24 octobre], je ferai tout mon possible pour que le pays soit bien gouverné dans les difficiles semaines à venir. »

Pas un mot, en revanche, sur ses intentions à plus long terme. En théorie, rien ne l’empêche de chercher à constituer une autre majorité que celle d’abord envisagée. En pratique, cela semble cependant exclu : avant les élections, la chancelière sortante a en effet déclaré qu’il n’était pas question pour elle de gouverner avec Die Linke (gauche radicale) ou avec Alternative pour l’Allemagne (extrême droite).

Restent les sociaux-démocrates, avec qui elle a déjà gouverné à deux reprises (2005-2009 et 2013-2017). Mais le président du SPD, Martin Schulz, a assuré dès le soir de sa défaite aux élections législatives (20,5 % des voix, le plus mauvais score obtenu par le parti depuis la seconde guerre mondiale), qu’il souhaitait désormais siéger dans l’opposition. Une position réaffirmée depuis à plusieurs reprises, M. Schulz ayant précisé qu’en cas d’échec des négociations entre la CDU-CSU, le FDP et les Verts, la seule issue était, selon lui, l’organisation de nouvelles élections.

  • Peut-il y avoir de nouvelles élections ?

En cas d’échec des négociations, la Constitution est en réalité muette, pour la simple raison que les négociations post-élections législatives qui ont lieu actuellement ne sont qu’un usage, mais ne figurent pas dans le texte de la Loi fondamentale.

Si Mme Merkel ne réussit pas à former une nouvelle majorité, la tenue de nouvelles élections n’est pas automatique. Pour que celles-ci aient lieu, deux voies sont en effet possibles. La première serait qu’elle propose une motion de confiance au Bundestag et que celle-ci n’obtienne pas la majorité, ce qui autoriserait le président de la République à procéder à une dissolution.

Des élections législatives anticipées ont déjà eu lieu à trois reprises – 1972, 1983 et 2005 – mais c’était en cours de mandature, après le refus par le Bundestag de voter une motion de confiance proposée par le chancelier. Ces fois-là, comme le prévoit l’article 68 de la Constitution, le président fédéral avait eu vingt et un jours pour dissoudre le Bundestag.

Or, cette fois, une telle procédure ne pourrait pas avoir lieu : n’ayant pas encore été élue par le nouveau Parlement, Mme Merkel ne peut pas demander la confiance des députés, rendant impossible la dissolution du Bundestag par le président de la République.

Reste une seconde possibilité. Selon l’article 63 de la Constitution, le président de la République a un autre moyen de provoquer de nouvelles élections, mais seulement au terme d’un long processus. Pour cela, il doit d’abord proposer un chancelier au Bundestag. Si celui-ci n’obtient pas la majorité absolue, ce qui n’est jamais arrivé jusque-là, les députés ont alors quatorze jours pour trouver un candidat.

Passé ce délai, si n’a été élu qu’un candidat bénéficiant d’une majorité relative, le président peut soit le nommer chancelier, mais en prenant le risque de mettre en place un gouvernement minoritaire, soit dissoudre le Bundestag. De nouvelles élections doivent alors se tenir dans les deux mois. Les Allemands pourraient donc devoir retourner aux urnes début 2018, alors qu’ils venaient fin septembre d’élire leurs députés.