L’Assemblée nationale a voté, lundi 20 novembre, un renforcement des sanctions contre les « grands fraudeurs » du fisc ayant des circonstances aggravantes. Les députés ont notamment rendu obligatoire la peine complémentaire d’interdiction des droits civiques, civils et de famille, sauf « décision spécialement motivée ».

Les députés ont voté avec l’aval du gouvernement un amendement de La République en marche (LRM) au projet de budget 2018, ayant une « logique plus coercitive », selon les termes du rapporteur, Joël Giraud (LRM), que celui qui avait été adopté en commission il y a une dizaine de jours.

Avec cet amendement, adopté en première lecture, les fraudeurs fiscaux ayant utilisé une fausse identité, de faux documents ou des comptes bancaires à l’étranger, seront passibles de peines passant de 2 millions à 3 millions d’euros.

L’amendement prévoit, en outre, « des peines complémentaires d’interdiction des droits civiques, civils et de famille », là où, en commission, les députés avaient prévu des « peines complémentaires d’interdiction de droit de vote et d’inéligibilité ».

Dans la foulée, les députés ont adopté un amendement du gouvernement, qui « vise à lutter plus efficacement contre les activités non déclarées », a expliqué Gérald Darmanin, en améliorant le traitement fiscal de l’enrichissement issu d’une activité occulte. Ils ont aussi adopté un autre amendement gouvernemental transposant une directive européenne de coopération contre la fraude fiscale.

« Epée de bois »

« Nos concitoyens ont raison de trouver inacceptable, insupportable le fait de voir des contribuables se soustraire à l’impôt, c’est-à-dire de violer ce qui constitue notre pacte républicain », a affirmé Stanislas Guerini (LRM), en défendant cette disposition contre les « grands fraudeurs du fisc ».

Le secrétaire d’Etat Benjamin Griveaux s’y est dit favorable en insistant sur le fait que le gouvernement partageait « pleinement la volonté […] de renforcer les dispositifs dissuasifs de lutte contre la fraude fiscale ».

Il a notamment justifié cette position « parce qu’il y a eu les Paradise Papers » et auparavant les Panama Papers, soulignant que la France est le pays qui « a le plus poursuivi » au pénal à la suite de ces révélations.

Le rapporteur a néanmoins jugé que l’amendement nécessiterait « une coordination avec le code pénal ». Le communiste Stéphane Peu a salué un amendement « positif » mais, a-t-il ajouté, « attention à ce que ce ne soit pas une épée de bois », car cela ne permettra pas d’agir contre les intermédiaires et les grandes multinationales. Des amendements de la gauche de la gauche pour la création d’un « délit d’incitation à la fraude fiscale » ont été rejetés, le rapporteur affirmant qu’ils posaient un « problème de constitutionnalité ».

Pas de modification du « verrou de Bercy »

En revanche, un amendement des « insoumis » visant à supprimer le « verrou de Bercy » a été rejeté après de vifs débats, M. Darmanin appelant à ne pas « tomber dans la démagogie ». Le « verrou de Bercy » donne à l’administration fiscale le monopole des poursuites pénales en matière fiscale, et empêche les poursuites sans l’accord du ministère des finances.

« Nous n’avons que trop tardé » à le supprimer, a estimé Pierre Dharréville (Parti communiste), alors qu’une mission d’information sur ce monopole de Bercy a été créée à l’Assemblée.

M. Darmanin a, en outre, souligné que « le taux d’avis défavorables de la commission des infractions fiscales [dont l’aval est nécessaire pour engager des poursuites pénales contre les fraudeurs du fisc] est à la fois stable et faible : en 2016, 6,2 % seulement refusés ; en 2015, 5,4 % ; en 2014, 7,44 % ».

« En 2016, c’est plus de 1 000 plaintes, 1 063 propositions de poursuites en correctionnelle », a-t-il lancé, affirmant qu’« on ne peut pas considérer que cette commission viendrait sous un tamis protéger je ne sais qui ». Aucun membre du gouvernement n’y siège et, selon le ministre, le verrou « n’en est pas un ».