Le processus électoral va-t-il dérailler au Somaliland ? Mardi 21 novembre à 15 h 30 (heure locale), après plus d’une semaine de polémiques et de tensions, la Commission électorale a déclaré Musa Bihi Abdi, candidat du parti au pouvoir Kulmiye, vainqueur de l’élection présidentielle organisée le 13 novembre, avec 55,19 % des voix. Abdirahman Mohamed Abdullahi Irro, candidat de Waddani, principal parti de l’opposition, obtient 40,73 % des suffrages et Faisal Ali Warabe (UCID), troisième candidat en lice, 4,17 %. Le taux de participation s’élève à 80 %.

Ces résultats provisoires sont cependant contestés par Abdirahman Irro, qui met en avant « de nombreuses fraudes ». Avant leur annonce, il avait averti que les discussions infructueuses avec la Commission électorale pour prendre en compte ces irrégularités le contraignaient à désavouer le scrutin.

Si les observateurs déployés par la mission internationale d’observation des élections ont fait état « de problèmes comme la présence d’électeurs âgés de moins de 16 ans [l’âge minimum légal pour participer au scrutin] ou de respect des procédures dans certains bureaux de vote », ils ont cependant délivré un satisfecit global sur l’organisation et le déroulement de l’élection. « Nous n’avons observé aucune irrégularité à une échelle qui remettrait en cause l’intégrité du processus électoral », avait déclaré Michael Walls, le chef de ces observateurs, lors d’une conférence de presse donnée le 16 novembre à Hargeisa, la capitale de cette région de Somalie autoproclamée indépendante depuis 1991. De son côté, le Forum des acteurs non étatiques du Somaliland, chargé de coordonner le travail des 620 observateurs nationaux, a également jugé l’élection « libre et équitable ».

La Commission électorale a pour sa part affirmé avoir répondu à la majorité des accusations adressées par Waddani.

Violentes manifestations

Musa Bihi Abdi, 69 ans, est un ancien officier de l’armée de l’air somalienne qui a participé à la lutte pour l’indépendance contre le régime de Siad Barre dans les années 1980. Il a été ministre de l’intérieur du Somaliland et avait été désigné candidat de Kulmiye en 2015 pour succéder au président Ahmed Mahamoud Silanyo, qui ne se représentait pas.

Que peut-il se passer maintenant ? La Constitution donne dix jours aux candidats mécontents pour saisir la Cour suprême, qui sera alors chargée d’instruire la plainte. Mais le risque que le différend se porte dans la rue et que des affrontements éclatent entre des partisans des deux camps est réel. Le représentant de Waddani a appelé au calme, mais, au cours de la semaine écoulée, des manifestations violentes se sont déjà déroulées à Hargeisa et à Burao, une ville située à 300 km à l’est de la capitale et où le parti de l’opposition a d’importants soutiens. Le bilan officiel fait état d’un mort dans chacune de ces deux villes, mais d’autres sources avancent que sept personnes auraient été tuées au total. Sans compter de nombreux blessés.

Le Somaliland, qui n’a toujours pas été reconnu au niveau international, joue gros dans la crise politique qui pourrait s’ouvrir si les voies légales ne permettaient pas de parvenir à un accord entre les différents protagonistes. L’ancien protectorat britannique, dont c’est la troisième élection présidentielle depuis 1991, a fait de son engagement dans un processus démocratique l’un de ses principaux arguments pour obtenir sa reconnaissance. Une exception dans cette région de la Corne de l’Afrique dominée par des régimes autoritaires ou des Etats faillis. Avant l’élection, les trois candidats s’étaient engagés à accepter le résultat du scrutin en plaçant la paix au-dessus de tout enjeu partisan.

Mardi, l’Union européenne, qui avait envoyé une importante délégation de diplomates le 13 novembre à Hargeisa, a pris acte de l’élection de Musa Bihi Abdi et appelé « toutes les parties à contribuer au respect de la paix et de l’ordre au Somaliland et à traiter les réclamations par des voies légales et institutionnelles ».

Par précaution, la Commission électorale a interdit toute manifestation.