Documentaires sur France 2 à 20 h 55

Jeunesses hitlériennes, l'endoctrinement d'une nation
Durée : 01:46

Le 26 avril 1945, dans Berlin, face aux Soviétiques, les plus irréductibles des « enfants du IIIReich » ­résistent, prêts à se sacrifier pour le Führer. Quatre jours plus tard, celui-ci se donne la mort en compagnie de ses derniers fidèles. Parmi eux, Joseph Goebbels, ministre de la propagande, et son épouse, Magda. Aux côtés des corps calcinés, les alliés retrouveront, alignés et vêtus de blanc, les cadavres de leurs six enfants ­empoisonnés par leur mère.

Comment peut-on (se) tuer pour une cause ? Quels sont les mécanismes pour endoctriner une ­nation, plus spécifiquement sa jeunesse ? Comment une femme aisée et cultivée peut-elle épouser une idéologie totalitaire et criminelle ? Ces questions traversent les remarquables documentaires de David Korn-Brzoza et d’Antoine Vit­kine, dont on ­saluera la singularité des approches, la rigueur ainsi que les qualités d’écriture et des ­témoignages aussi glaçants qu’émouvants.

Auteurs déjà de nombreux films sur la période, David Korn-Brzoza poursuit l’exploration du régime nazi à travers le mouvement des Jeunesses hitlériennes, qui compta près de 9 millions de membres en 1939. Le documentariste détaille les ressorts de l’endoctrinement, entre séduction (camps d’été, uniformes, défilés…) et menace (inscription obligatoire), ainsi que la façon dont les nazis éloignent dès le plus jeune âge les enfants de l’influence de l’Eglise et de leur famille. Sans parler de l’école, qui inocule dans les esprits la haine du juif et du bolchevique.

TEASER : Magda Goebbels, la première dame du 3e Reich
Durée : 03:26

Pour mieux appréhender de ­l’intérieur les différentes étapes de cet embrigadement, David Korn-Brzoza donne la parole à d’anciens Hitlerjugend. Parmi les récits de ces nonagénaires, qui ne dissimulent rien du caractère séduisant de cette aventure collective, ni de la honte et du remords qui les tiraillent aujourd’hui encore, le plus sidérant est celui de Salomon ­Perel : petit garçon, il est arrêté par les nazis et parvient à se faire passer pour un orphelin allemand. Avant d’intégrer les Jeunesses hitlériennes et d’être « happé » par l’idéologie nazie, « au point, dit-il, d’en oublier qu’il était juif ».

Bien moindre, l’effet de sidération est cependant présent dans le film d’Antoine Vitkine, lorsqu’on découvre les propos de Magda Goebbels sur les « insupportables récits de son mari » qui « accablent sa conscience », ou le secret qui faillit ruiner sa fulgurante ascension. Secret qu’elle étouffera, en laissant le soin à son époux d’éloigner son amant de jeunesse, Viktor Haïm Arlozoroff, intellectuel juif dont elle partagea un temps les idées sionistes. Avant d’être fascinée par les discours de Goebbels et d’Hitler et de trouver dans le parti nazi l’aventure collective qui va donner un sens à sa vie de bourgeoise désœuvrée.

Adolf Hitler, Joseph Goebbels et son épouse Magda Goebbels en 1929. / FOTOTECA/LEEMAGE

Entrée dans le premier cercle pour ne plus en sortir, cette militante fanatique endossera les rôles d’« atout séduction » d’un parti en quête de respectabilité, puis celui de première dame et de mère du IIIe Reich. Même si son geste ­ultime conserve sa part d’énigme, Antoine Vitkine donne à saisir toute la complexité d’un basculement dans la folie idéologique.

Jeunesses hitlériennes, l’endoctrinement d’une nation, de David Korn-Brzoza (Fr., 2017, 120 min).

Magda Goebbels, la première dame du IIIe Reich, d’Antoine Vitkine (Fr., 2017, 55 min).