Des femmes bosniaques exultent à l’annonce de la condamnation de Ratko Mladic pour crime contre l’humanité et génocide, à Srebrenica, le 22 novembre. / Amel Emric / AP

Le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a rendu une décision historique en condamnant, mercredi 22 novembre, l’ancien chef militaire des Serbes de Bosnie à la prison à la perpétuité. Ratko Mladic, qui a été reconnu coupable par la justice internationale d’avoir commis des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et avoir participé à un génocide a annoncé qu’il allait faire appel.

Un verdict que le fils de l’accusé, Darko Mladic, refuse. « Cette peine est injuste et contraire aux faits, et nous la combattrons en appel pour prouver que ce jugement est faux », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse, après l’énoncé du verdict.

Loin de La Haye, où se tenait le procès, à Srebrenica, des femmes s’étaient rassemblées pour suivre le verdict. C’est dans ce village que plus de 8 000 personnes ont été assassinées par les forces serbes de Mladic, en juillet 1995, alors qu’ils tentaient de fuir l’enclave musulmane de Srebrenica. Un acte de génocide pour lequel M. Mladic a été reconnu coupable.

A Srebrenica, des femmes réjouies

Ces femmes attendaient la condamnation de Ratko Mladic à perpétuité, elles ont suivi le procès en ponctuant d’insultes vengeresses les apparitions de l’accusé.

« Je rends grâce à Dieu, au nom de nos fils ! », lâche Nedziba Salhovic une de celles qui s’étaient réunies mercredi devant une des télévisions installées au mémorial de Potocari, ajoutant : « Mladic mourra à La Haye ! Je suis heureuse, heureuse de cette justice. »

Si le verdict a réjoui les femmes de Srebrenica, la présidente de l’association des mères des enclaves de Srebrenica et de Zepa s’est dite, pour sa part, « partiellement satisfaite » de ce verdict.

« C’est plus que pour [Radovan] Karadzic », l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie qui a été condamné à quarante ans de prison par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, a déclaré à l’Agence France-Presse Munira Subasic, regrettant que les juges du TPIY n’aient pas retenu le crime de « génocide » contre Ratko Mladic « dans plusieurs villages ».

« Regarder vers l’avenir »

Plus optimiste, le président serbe Aleksandar Vucic a appelé mercredi ses compatriotes à « regarder vers l’avenir » :

« Commençons à regarder vers l’avenir, à penser à nos enfants, à la paix, à la stabilité dans la région. » Il faut « revitaliser les usines, inaugurer des bâtiments au lieu de nous étouffer dans les larmes du passé ».

Toutefois, M. Vucic regrette le manque de respect envers les victimes serbes des conflits des années 1990. Affirmant que la Serbie « a toujours respecté les victimes des autres nations » et ajoutant « je ne suis pas sûr que les autres ont fait preuve de ce respect envers les victimes serbes ».

« Mladic est la quintessence du mal », a estimé, pour sa part, le haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Zeid Ra’ad Al-Hussein, qui appartenait à la Force de protection de l’ONU dans l’ex-Yougoslavie entre 1994 et 1996. « Ce verdict est un avertissement aux auteurs de tels crimes qu’ils n’échapperont pas à la justice, aussi puissants soient-ils, et quel que soit le temps qu’il faudra », a-t-il poursuivi.

« L’objectif est de diaboliser les Serbes »

Du côté des Serbes de Bosnie, la réaction était tout autre, alors que Ratko Mladic bénéficie encore d’une grande aura auprès de cette communauté. « Nous ne pouvions pas nous attendre aujourd’hui à quelque chose de mieux. Il est évident qu’il s’agit d’un projet dont l’objectif est de diaboliser le peuple serbe », a déclaré à l’AFP Milan Jolovic, ancien commandant de l’unité des forces serbes de Bosnie, les Loups de la Drina.

Biljana Plavsic, l’unique femme jamais condamnée par la justice internationale pour des crimes durant le conflit de Bosnie, s’est dite mercredi « scandalisée » par la condamnation à perpétuité de Ratko Mladic. En 2003, elle avait été condamnée à onze ans de prison et avait bénéficié en 2011 d’une libération anticipée.