Dominique-Claire Testart-Mallemanche à la sortie du tribunal de Nice, en 2013. / VALERY HACHE / AFP

Le jugement, initialement rendu en 2016, était exceptionnel par sa sévérité. Il a été confirmé mercredi 22 novembre par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui a décidé de condamner en appel une ancienne sous-préfète de Grasse (Alpes-Maritimes) à trois ans de prison ferme et 20 000 euros d’amende pour corruption.

La cour d’appel a ainsi confirmé la condamnation prononcée le 8 décembre 2016 par le tribunal correctionnel de Nice contre Dominique-Claire Testart-Mallemanche, nommée préfète de la Creuse en 2013. Le tribunal avait alors estimé que l’infraction, commise entre 2011 et 2013 était d’une « extrême gravité », les fonctions de Mme Testart-Mallemanche requérant « une probité sans faille ».

Mme Testart-Mallemanche, 60 ans, s’est également vue définitivement interdire tout emploi ou fonction publique. Elle était absente à l’énoncé de la décision, mais son avocat a annoncé un pourvoi en cassation, ce qui lui évite l’incarcération dans l’immédiat.

« Les faits apparaissent d’autant plus graves qu’ils mettent en péril l’image même de l’Etat, au travers de l’un de ses corps les plus éminents, le corps préfectoral », ont écrit les juges dans leur arrêt, que l’Agence France-Presse a consulté. Ils ont notamment estimé que la « protection de la société, la restauration de l’équilibre social imposent de sanctionner Dominique Claire Testart-Mallemanche de peines significatives ».

« Pacte de corruption »

Pour les juges, la sous-préfète et son mari, Jean-Jacques Mallemanche, avaient passé un pacte de corruption avec Marcel Gélabert – décédé le 1er mars 2017 –, propriétaire d’un hôtel-restaurant de grand luxe, à La Colle-sur-Loup (Alpes-Maritimes), le Mas d’Artigny, aujourd’hui fermé.

Mme Testart-Mallemanche était intervenue pour accélérer la création d’une piste « défense de la forêt contre les incendies », ce qui avait pour conséquence indirecte de donner des droits à construire supplémentaires à M. Gélabert, l’un de ses amis. Celui-ci comptait ainsi revendre le Mas d’Artigny avec une plus-value de plusieurs millions d’euros.

Une commission de 200 000 euros devait être versée, via une société londonienne, à Jean-Jacques Mallemanche qui se présentait comme un intermédiaire dans la vente. La cour d’appel a aggravé la peine de celui-ci, le condamnant à dix-huit mois de prison qui seront purgés sous bracelet électronique, à 5 000 euros d’amende et à une interdiction de gérer une entreprise.

Un faux facturier, Pierre Amancic, auteur de l’habillage de la facture de 200 000 euros, via sa société installée à Londres, a été condamné à un an de prison. La cour d’appel a également décerné un mandat d’arrêt contre ce résident monégasque.

Dans leur décision, les juges observent que Mme Testard-Mallemanche a « dévoyé les devoirs de sa charge en donnant à ses interlocuteurs l’image d’une personne complaisante, ce dont certains se sont évidemment servis, et jusqu’à gérer pour de l’argent – au prix d’un montage offshore – un dossier d’aménagement public au profit d’un homme d’affaires déjà condamné pour corruption chez lequel elle avait table ouverte ».

Largesses de chefs d’entreprise

Mme Testart-Mallemanche était également jugée pour avoir reçu des cadeaux et bénéficié des largesses de chefs d’entreprise de son arrondissement.

Joseph Garelli, à la tête d’une des plus importantes entreprises de BTP des Alpes-Maritimes, avait ainsi réglé la note du fils de la sous-préfète dans une boîte de nuit en marge du Festival de Cannes, d’un montant de 1 628 euros.

Comme d’autres acteurs économiques, il avait également contribué au cadeau d’anniversaire de Mme Testart-Mallemanche, un violon d’une valeur de 7 900 euros. M. Garelli a également vu sa peine aggravée : deux ans de prison dont un an avec sursis, condamnation qui sera exécutée sous bracelet électronique et une amende de 50 000 euros.

Selon son défenseur, Me Jean-Claude Guidicelli, l’ancienne sous-préfète formera un pourvoi en cassation, ce qui suspend la mise à exécution de sa peine. « Formée dans l’une des plus prestigieuses de nos grandes écoles [l’Ecole nationale de l’administration – ENA], aux frais de la République », notent les juges, Mme Testart-Mallemanche avait réintégré la fonction publique en 2008. Elle l’avait quittée en 1990 pour travailler dans le privé, notamment à Singapour et pour le compte de Thales International.