Graffiti représentant Ratko Mladic, à Belgrade. / OLIVER BUNIC / AFP

Il est surnommé « le Boucher des Balkans ». Ratko Mladic a été reconnu coupable, mercredi 22 novembre, de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).

S’il a fait appel après avoir été condamné à perpétuité, son nom restera à jamais associé aux crimes perpétrés durant la guerre de Bosnie dans les années 1990, du siège de Sarajevo au massacre de Srebrenica. L’ancien général a ainsi été reconnu coupable d’avoir cherché à chasser les musulmans et les Croates du territoire bosniaque.

L’ancien chef militaire des Serbes de Bosnie n’a jamais exprimé de regrets malgré un conflit qui a fait plus 100 000 morts. « Je suis le général Mladic. J’ai défendu mon pays et mon peuple », a-t-il lancé dès sa première apparition devant le TPIY.

  • Une progression lente dans l’armée

Ratko Mladic est né en 1942 dans le village pauvre de Bozanovici, dans le sud de la Bosnie. Son père, partisan de Tito, est tué trois ans plus tard, en 1945, par les Oustachis croates, alliés des nazis qui resteront ses ennemis jurés. Si, au départ, il souhaitait devenir enseignant, il bifurque vers une carrière militaire à l’académie de Belgrade, dont il sort parmi les trois premiers de sa promotion.

M. Mladic entame sa carrière professionnelle au sein de l’armée fédérale yougoslave en 1965. En vingt ans, il devient général de brigade, une progression lente due à son attitude arrogante et son indiscipline. Il passe la plupart de son temps en Macédoine, avec quelques affectations en Croatie et au Kosovo. Mais au début des années 1990, sa carrière s’accélère, il devient général en 1992.

  • Considéré comme le troisième architecte de l’épuration ethnique

En mai 1992, alors que la Bosnie a voté l’indépendance par référendum, le président autoproclamé des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, le nomme commandant de l’armée serbe de Bosnie. M. Mladic organise alors les quarante-trois mois de siège de Sarajevo, qui feront plus de 10 000 morts.

Il commande également les militaires qui s’emparent, en juillet 1995, de l’enclave musulmane de Srebrenica. Près de 8 000 hommes et adolescents sont tués par ses troupes dans les jours qui suivent, lors du pire massacre commis sur le continent européen depuis la seconde guerre mondiale. Leurs femmes et enfants sont déportés par autobus. « Les frontières ont toujours été tracées avec du sang et les Etats bornés par des tombes », déclare-t-il.

Ratko Mladic est alors considéré comme le troisième architecte – avec le président Slobodan Milosevic et l’idéologue des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic –, de l’épuration ethnique durant ce conflit intercommunautaire qui a fait plus de 100 000 morts et 2,2 millions de déplacés.

Après les accords de paix de Dayton, qui mettent fin au conflit en 1995, M. Mladic reste en Bosnie, à l’abri dans son repaire de Han Pijesak, dans une forêt de pins de l’est du pays. Puis, protégé par l’armée, il s’installe à Belgrade alors que le TPIY l’inculpe de génocide pour le siège de Sarajevo et les massacres de Srebrenica. La chute de Slobodan Milosevic à Belgrade, en octobre 2000, le prive de la protection officielle de l’Etat. Il entre alors dans la clandestinité en 2001.

  • Un procès à La Haye après seize ans de cavale

Au début des années 2000, les multiples arrestations affaiblissent Ratko Mladic. Et pour la Serbie, qui souhaite intégrer l’Union européenne, il devient un problème. En mai 2011, l’ancien militaire est arrêté chez un cousin, dans le village de Lazarevo, au nord de la Serbie, avant d’être livré à la justice internationale.

Son procès à La Haye s’est ouvert en 2012 pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, des chefs d’inculpation pour lesquels il a été condamné mercredi à 75 ans. Mais M. Mladic est toujours soutenu par ses partisans qui continuent de véhiculer l’image d’un soldat paysan amoureux de sa terre, respectueux des codes d’honneur de la guerre. Selon eux, il n’avait pour objectif qu’une Yougoslavie unie pour protéger « son » peuple contre ceux qu’il désignait comme les « Trucs », les Bosniaques musulmans.

Une description balayée à La Haye par le procureur Alain Tieger qui avait réclamé la perpétuité : « Son souci n’était pas que les musulmans pourraient créer un Etat, son souci était de les faire entièrement disparaître. »