Editorial du « Monde ». Le gouvernement a décidé de modifier, dès la rentrée 2018, les conditions d’inscription et d’entrée des bacheliers à l’université. Le projet de loi présenté le 22 novembre en témoigne : il ouvre ce chantier avec beaucoup de précaution, tant le terrain est périlleux, mais avec détermination, car cette réforme répond à une urgence et à une exigence dont chacun reconnaît l’évidence.

L’urgence est de mettre un terme à l’absurde et choquante procédure du tirage au sort instaurée dans les licences surchargées, incapables d’accueillir tous les bacheliers qui y postulent. Plus globalement, c’est tout le mécanisme de régulation informatique des inscriptions en première année universitaire (la plate-forme Admission post bac) qui va être remplacé, dès janvier 2018, par un système en principe plus simple, plus lisible et plus efficace.

L’exigence, à la fois pédagogique et démocratique, est de corriger autant que possible l’inadéquation entre les filières choisies par les bacheliers et les aptitudes requises pour s’y engager et y réussir. C’est, en effet, l’une des maladies honteuses de notre système universitaire : la sélection par l’échec y est massive, à peine plus du quart des étudiants obtenant leur licence en trois ans et 40 % seulement en quatre ans. Les bacheliers technologiques et surtout professionnels sont les premières victimes de cette hécatombe.

Pression démographique

Pour y parvenir, le gouvernement a fixé un principe : si tout bachelier a le droit d’entrer à l’université, l’Etat a, pour sa part, le devoir de favoriser sa réussite en organisant plus solidement son orientation en amont et son accompagnement pédagogique en aval. A l’avenir, des « attendus » (c’est-à-dire des compétences requises) seront donc définis pour chaque licence. Sur cette base, et en fonction du parcours et du profil des bacheliers, les universités pourront soit valider leur inscription dans la filière de leur choix, soit les accepter, à condition qu’ils effectuent une remise à niveau, soit les mettre sur une liste d’attente, à charge pour le recteur de leur trouver une place.

Sur le papier, c’est cohérent et pertinent. Mais, surtout dans un domaine aussi complexe, la politique est un art d’exécution. Or, trois questions décisives se posent, dès à présent. D’abord, la mise en place immédiate, en classe terminale de lycée, de binômes d’enseignants chargés d’améliorer l’information et l’orientation des élèves suppose une mobilisation générale des professeurs qui, pour l’heure, est tout sauf évidente. En second lieu, l’organisation par les universités des dispositifs de mise à niveau reste à préciser : seront-ils ponctuels, semestriels ou annuels, obligatoires ou pas, financés avec quels moyens ? Enfin, qu’adviendra-t-il pratiquement des bacheliers placés sur liste d’attente ?

Enfin, à supposer que ces problèmes soient réglés, la réforme engagée ne s’attaque pas au dysfonctionnement systémique majeur dont souffre l’enseignement supérieur. Dès lors que les meilleurs bacheliers choisissent en priorité les filières sélectives (classes préparatoires, instituts universitaires de technologie, instituts d’études politiques, écoles privées…), c’est l’université qui absorbe l’essentiel de la pression démographique estudiantine sans cesse croissante et accueille les bacheliers les moins bien préparés à des études générales, avec des moyens trop maigres.

Quelles que soient les bonnes intentions du gouvernement, la rentrée 2018 relève, plus que jamais, du défi.