Ayant lieu au centre d’art de l’hôtel de Caumont, à Aix-en-Provence, du 24 novembre au 11 mars 2018, l’exposition Botero, dialogue avec Picasso présente la riche production de l’artiste colombien (né le 19 avril 1932 à Medellín), en lien avec celle de Pablo Picasso (né à Malaga, en Espagne, le 25 octobre 1881 et mort le 8 avril 1973 à Mougins).

Huiles, œuvres sur papier et sculptures : à la soixantaine d’œuvres de Botero présentées au public font écho une vingtaine d’œuvres majeures de Picasso, issues principalement des collections du Musée national Picasso Paris et du Museo Picasso de Barcelone. Explications de Cecilia Braschi, commissaire de l’exposition.

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Portrait de Cécilia Braschi, commissaire de l’exposition, prise le 22 novembre 2017. / CENTRE D'ART DE L'HOTEL DE CAUMONT, 2017

Fasciné par Pablo Picasso, Fernando Botero ne l’a cependant jamais rencontré…

Botero est, en effet, passé dans les mêmes lieux et villes que Picasso sans le rencontrer personnellement. Il a pourtant rencontré son œuvre à différents égards tout au long de sa formation et de sa carrière : d’abord sur les livres, en Colombie, ensuite dans les musées européens, puis dans une grande exposition présentée à Lyon en 1953.

Au gré de ces « rencontres », Botero découvre d’abord l’artiste engagé et « non conformiste » et la monumentalité et sensualité – si peu conventionnelle – de ses figures et, encore, ses grands talents de coloriste. Toutes ces références marquent fortement sa propre œuvre.

Peut-on dire qu’il s’agit d’une confrontation entre deux artistes ou plutôt d’un dialogue fictif qui relie leurs œuvres entre elles ?

C’est plutôt un hommage rendu à Picasso par Botero, à travers un dialogue imaginaire entre leurs œuvres. C’est aussi une invitation à découvrir l’œuvre de Botero sous un regard différent, grâce au prisme de l’œuvre de Picasso, qui suggère un grand nombre de sujets et de questionnements propres à tout l’art du XXe siècle.

La scénographie de l’exposition sert tout particulièrement ce propos. Le visiteur déambule dans des espaces séparés et en même temps ouverts au dialogue, justement. Les associations visuelles sont suggérées mais non pas imposées. Quoi qu’il en soit, elles ne sont pas à chercher sur le plan formel mais plutôt dans la démarche et dans la sensibilité des deux artistes.

Pourquoi cette fascination pour les mêmes thèmes ?

Il y a des raisons culturelles et d’autres plus proprement artistiques. La colonisation espagnole de la Colombie fait que les deux pays partagent, avec la langue, certaines références culturelles et iconographiques : c’est le cas de la corrida, par exemple, mais aussi du carnaval, des spectacles de rue et du monde du cirque.

D’autre part, les deux artistes se confrontent aux mêmes interrogations artistiques : qu’est-ce qu’est la figuration pour un artiste moderne, sinon une déformation de la réalité au gré de la subjectivité de chacun ? Comment garantir à son œuvre cette originalité ? Comment traduire de manière contemporaine l’apprentissage de la technique et de l’histoire de l’art ? Quel est le rôle de l’artiste face à l’histoire et aux drames collectifs, telles les guerres, les inégalités, voire la barbarie de certains pouvoirs politiques ?

Chaque artiste répond à ces questionnements de manière similaire ou différente, selon les cas, et c’est précisément là que se situe le dialogue que cette exposition souhaite mettre en scène.