Des maires dans la cour de l’Elysée, le 22 novembre. ­ / Olivier Laban-Mattei / Myop pour / Olivier Laban-Mattei / Myop pour "Le Monde"

« Perplexe », « sceptique », « dubitatif » : dans les allées du centième congrès de l’Association des maires de France (AMF), les édiles interrogés avant le discours de clôture d’Emmanuel Macron, jeudi 23 novembre, confiaient, « déboussolés », leurs doutes sur la « méthode » et les « intentions » du gouvernement.

Philippe Belliot, maire (divers droite) de Saint-Anne-sur-Brivet (Loire-Atlantique), veut croire qu’il « a tout compris » à la façon dont le gouvernement va compenser la suppression de la taxe d’habitation (TH) dans sa commune : « Voilà ce que j’ai expliqué récemment sur le sujet », dit-il avec un brin de fierté, le doigt pointé sur un petit tableau composé de chiffres et de pourcentages qui s’affiche sur son téléphone. Mais il aimerait être certain que l’Etat compensera la totalité des exonérations de taxe d’habitation comme il s’y est engagé.

Devant l’écran géant qui diffuse les débats du congrès dans l’auditorium, Jean-Jacques Cottel, maire (PS) de Bapaume (Pas-de-Calais), confesse qu’il est un peu « perdu ». « On se dit qu’on ne comprend pas grand-chose à la façon dont le gouvernement veut nous imposer 13 milliards d’euros d’économies », sourit-il. M. Cottel aimerait savoir comment contenir la hausse de ses dépenses à 1,2 %, comme le souhaite M. Macron, alors que l’inflation est déjà de 1 % en moyenne, que l’Etat « impose sans cesse de nouvelles charges aux communes » et, qu’enfin, il supprime les emplois aidés…

« La vraie France »

De ces doutes, Edouard Philippe a préféré plaisanter à la tribune du congrès, mardi 21 novembre : « Si j’étais assis à votre place, je me dirais qu’il y a peut-être un loup », a ironisé le premier ministre avant de tenter de déminer les sujets qui suscitent l’inquiétude voire la colère dans les rangs des édiles. « Je suis venu vous tenir un discours clair », a-t-il insisté mais beaucoup des préoccupations des 4 000 élus qui l’écoutaient sont restées sans réponse. « Comment vais-je faire pour remplacer la bibliothécaire embauchée en emploi aidé ?, s’interrogeait, mercredi, Pascale Terrasson, maire d’Endoufielle, village de 580 habitants dans le Gers. Cela va me coûter quatre fois plus cher d’embaucher un fonctionnaire. » Elle ne désespère pas pour autant d’avoir trouvé la solution. « Je vais réunir sur un même lieu la bibliothèque et l’agence postale. Je pourrai ainsi confier l’accueil des deux services publics à une seule personne », dit-elle.

Si certains se contentent de s’interroger sur « la méthode Macron », d’autres ont des jugements beaucoup plus acerbes sur lui. « Il n’a pas le sens de la vraie France, juge Roger Moreau, maire de Sancé (Saône-et-Loire). Macron n’a jamais été élu. C’est ce qui lui manque pour que ça fasse tilt avec les maires », estime l’édile. « Les communes ne sont pas des start-up. Ce n’est pas en claquant des doigts qu’on peut y arriver. Nous travaillons avec de l’humain, nous », s’esclaffe Arnaud Lecuyer, maire (PS) de Saint-Pôtan (Côtes-d’Armor). « Il faut lire en filigrane les discours de Macron pour se rendre compte que ce gouvernement a une vraie volonté de recentralisation », analyse Henri Baile, maire (Les Républicains) de Saint-Ismier (Isère). Maire de Sceaux (Hauts-de-Seine), Philippe Laurent (Union des démocrates et indépendants) est du même avis : « Hollande baissait les dotations de l’Etat aux collectivités la larme à l’œil, mais nous laissait libres de décider de notre budget. Macron nous impose des plafonds de hausse et nous demande de soumettre notre budget aux préfets. Il porte atteinte aux libertés locales et aux fondamentaux de la décentralisation », assène le secrétaire général de l’Association des maires de France.

Tous les maires croisés au congrès ne sont pas aussi sévères. « Macron a fait exploser les vieux clivages gauche-droite, apprécie Hubert Boultoureau, maire délégué de la commune nouvelle de Ségré-en-Anjou Bleu (Maine-et-Loire). S’il fait repartir l’économie, les communes auront de nouvelles ressources fiscales et des recettes. On n’aura plus besoin de recourir à des emplois aidés, et en plus, le chômage baissera. » « Je lui donne sa chance, lance Jean-Yves Lebas, maire de Pleneuf-Val-André (Côtes-d’Armor), pour mettre en route les réformes dont le pays a besoin. »

Maire d’Annonay (Ardèche), Antoinette Scherer (PS), n’avait pas, elle non plus, envie de se plaindre, mercredi. Conviée avec un millier de maires par le président de la République à l’Elysée, elle n’a pas pu lui serrer la main. « Tous les maires invités s’attroupaient autour de lui pour lui exposer leurs dossiers et prendre des selfies avec lui. C’était un moment de détente avant d’aborder au congrès les sujets sérieux qui nous préoccupent », concède-t-elle. Ce n’est pas la soirée présidentielle à l’Elysée qui aura rassuré M. Laurent, en revanche. « Un pur moment people ! », grince-t-il.