En février 2017, après le rachat du LOSC, Gérard Lopez s’était présenté au public lillois du stade Pierre-Mauroy. / DENIS CHARLET / AFP

Le projet a un nom clinquant : « LoscUnlimited ». Ambitieux, il avait été présenté en grande pompe aux médias, en janvier, par son instigateur Gérard Lopez. Ancien patron de l’écurie de formule 1 Lotus (2009-2015), l’homme d’affaires hispano-luxembourgeois venait de racheter le Lille Olympique Sporting Club (Losc) au producteur Michel Seydoux, dont le long règne à la tête de l’institution nordiste (2002-2017) avait charrié son lot d’avancées et de succès.

Moins d’un an après la reprise des Dogues, le projet de Gérard Lopez est déjà en train de prendre l’eau. Mercredi 22 novembre, dans la soirée, le LOSC a « décidé de suspendre momentanément » son entraîneur argentin Marcelo Bielsa « dans le cadre d’une procédure engagée par le club ». Réunis à Londres, les dirigeants ont ainsi décidé de démettre de ses fonctions l’entraîneur surnommé « El Loco » (le fou), 62 ans, caution sportive du projet et véritable architecte de la stratégie lilloise depuis son recrutement, en février.

Méthode inopérante

Démissionnaire de l’Olympique de Marseille, en août 2015, l’éruptif technicien s’était engagé à ne pas rendre son tablier malgré les mauvais résultats (sept défaites, trois victoires et trois nuls en treize journées de championnat) de son équipe, classée avant-dernière de la Ligue 1. Au fil des revers, l’insondable coach préférait s’autoflageller qu’accabler ses joueurs. Afin d’enrayer cette spirale négative, Gérard Lopez a donc tranché en sacrifiant l’homme fort de son projet.

Marcelo Bielsa, le 20 novembre, à Amiens. / FRANCOIS LO PRESTI / AFP

Selon L’Equipe, Bielsa pourrait être licencié pour faute grave, un laisser-aller dans la conduite du groupe lillois ayant été constaté (comportements inadaptés, méthode inopérante, retards à l’entraînement). Le LOSC chercherait ainsi à éviter de verser de lourdes indemnités (entre 14 et 16 millions d’euros) à son ancien entraîneur. Plusieurs médias sud-américains rapportent que le technicien se serait envolé, sans autorisation, pour le Chili, afin de se rendre au chevet de son ancien adjoint, Luis Maria Bonini, atteint d’un cancer et décédé ce jeudi. Une allégation que le club lillois n’a pas confirmée.

Médaillé d’or aux Jeux olympiques d’Athènes de 2004 avec l’Argentine, finaliste malheureux de la Ligue Europa avec l’Athletic Bilbao en 2012, Bielsa avait, quelle que soit la raison de son limogeage, pourtant mis en place les fondations de ce nouveau LOSC : départs des cadres de l’ère Seydoux (Rio Mavuba, Marko Basa, Vincent Enyeama), recrutement, moyennant une enveloppe confortable de 70 millions d’euros, d’un effectif jeune (22,9 ans de moyenne d’âge) et à dominante sud-américaine, accent mis sur la formation…

Aux premiers couacs sur le terrain s’est ajouté le conflit larvé entre Bielsa et le conseiller sportif portugais de Lopez, Luis Campos. Une rupture qui a mis à terre la prétendue « osmose entre les dirigeants », vendue aux médias, cet été, par l’Espagnol Marc Ingla, ex-directeur marketing du FC Barcelone (2003-2008) et numéro deux des Dogues.

Fonds vautours

Ces crispations ont poussé Bielsa à trouver des boucs émissaires en interne : Joao Sacramento, son adjoint en charge de la vidéo, et Gabriel Macaya, son préparateur physique, ont été priés de partir en vacances au mois de septembre. Le « directeur adjoint du football », Franck Béria, et l’attaché de presse du club, Florian Fieschi, ont également subi les foudres de l’Argentin.

Avec son budget rondelet (90 millions d’euros), Gérard Lopez ambitionnait pourtant de ramener le LOSC dans les cinq premières places de la Ligue 1 et sur la scène européenne. Le « LoscUnlimited » peut-il être poursuivi sans Bielsa ? Alors qu’il doit trouver un successeur à l’Argentin, le propriétaire des Dogues va devoir également batailler sur le terrain financier.

Dans le viseur de la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), qui avait tergiversé cet été, avant de valider le budget du club, l’homme d’affaires s’est aussi distingué en rachetant la formation lilloise à travers une holding britannique, Victory Soccer, contrôlée par des sociétés offshore, et grâce à des emprunts réalisés par le truchement de fonds vautours (Elliott Management et Manchester Securities). Nul doute que ses créanciers suivent attentivement les déboires de Gérard Lopez et de son projet « LoscUnlimited ».