La fondation Terra Nova a décidé de s’aventurer sur un terrain peu familier pour elle, celui de l’environnement, en proclamant, jeudi 23 novembre, qu’il était temps d’en finir avec le règne de la viande. Dans un rapport « La viande au menu de la transition alimentaire », auquel Le Monde a eu accès en exclusivité, le think tank orienté à gauche défend « un nouvel équilibre entre nos traditions alimentaires, nos exigences sanitaires, nos impératifs environnementaux et nos intérêts économiques ».

Dans le but d’atteindre un régime alimentaire composé de deux tiers de protéines végétales et d’un tiers d’animales – contre l’inverse aujourd’hui, les auteurs préconisent que d’ici vingt ans les Français divisent par deux leur consommation de viande et de poisson.

Un objectif réaliste selon Serge Hercberg, directeur de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), qui a répondu à nos questions.

Le Monde : est-il bon pour la santé de répartir son régime alimentaire en deux tiers de protéines végétales et un tiers de protéines animales ? Par quoi les remplacer ?

Serge Hercberg : il n’y a pas de danger pour la santé de réduire la consommation de viande. La consommation de viande de boucherie (bœuf, porc, veau, mouton) ne doit pas dépasser 500 grammes par semaine, et 150 grammes pour la charcuterie. Au-delà de ces seuils, on augmente significativement le risque de cancer colorectal.

Sur un plan scientifique, on a du mal à donner des chiffres précis mais il est mieux de privilégier les aliments végétaux et de réduire les aliments d’origine animale. Les fruits et légumes apportent des éléments nutritifs qui permettent de réduire les risques de cancer et d’obésité. Quand on regarde les dernières recommandations du Haut Conseil de la santé publique, on voit aussi que l’on privilégie, aujourd’hui, la consommation d’éléments végétaux comme les légumineuses deux fois par semaine. C’est une bonne source de protéines qui compense l’absence de viande. De même avec les céréales complètes ou peu raffinées.

Faut-il manger des protéines (œufs, poissons ou viande) deux fois par jour ?

C’est un discours qui a été longtemps tenu mais cette vision de la nutrition est désormais dépassée. On considère aujourd’hui que si vous mangez des céréales (peu raffinées), des légumineuses, du poisson ou des œufs, même en petites quantités, vous comblez vos besoins en protéines. Certes, les protéines interviennent dans de nombreuses fonctions – au niveau musculaire et cutané, dans la réponse immunitaire, le transport de l’oxygène dans l’organisme et dans la digestion – mais plus personne, en France, ne souffre d’une carence en protéines, en dehors de maladies très spécifiques.

En revanche, manger trop de sel favorise l’hypertension, trop de sucres et de gras l’obésité, pas assez de végétaux augmente le risque de cancers et de maladies cardiovasculaires… Le problème n’est plus l’apport en protéines en tant que telles mais un rééquilibrage du modèle alimentaire avec plus de produits végétaux et moins de produits animaux. C’est un double intérêt : pour la santé individuelle et pour la planète.

On parle beaucoup de la viande mais qu’en est-il du poisson ?

Si on veut consommer des produits animaux, il vaut mieux de privilégier le poisson, la volaille et les fruits de mer. Il est recommandé de consommer du poisson deux fois par semaine, notamment des poissons gras dont la teneur en oméga 3 est forte, comme les sardines et le saumon. Mais il faut veiller à varier les espèces, compte tenu des risques éventuels d’être exposé à des contaminants tels que les métaux lourds.