Quand le discours de François Villeroy de Galhau à la London Business School s’est terminé jeudi 23 novembre, le doyen de l’université a tenu à dire quelques mots de conclusion : « Je remarque que vous avez souligné que Londres resterait un grand centre financier après le Brexit… » « Aux côtés de Paris ! », a répliqué du tac au tac le gouverneur de la Banque de France.

La réponse était prononcée sur le ton de la plaisanterie, mais elle en dit long sur la rivalité entre les places financières européennes qui se joue en cette période de préparation du Brexit. Le message qu’était venu porter à Londres M. Villeroy de Galhau était d’ailleurs un avertissement sans ambiguïté à la City : « Nous n’accepterons pas les coquilles vides. » En clair, les établissements financiers basés à Londres qui imagineraient pouvoir ouvrir une simple « boîte aux lettres » à Paris ou à Francfort pour pouvoir continuer à travailler dans l’Union européenne (UE) en seront pour leurs frais. D’ailleurs, pour renforcer les atouts de la place parisienne, l’Assemblée a voté jeudi des mesures prévoyant notamment que les bonus des traders seront exclus des indemnités légales de licenciement.

Pas d’intention de punir

Avec le Brexit, le Royaume-Uni va perdre le fameux « passeport financier », qui permet de vendre des produits financiers fabriqués à Londres dans l’ensemble de l’UE. Pour continuer à travailler, les grandes banques américaines ou japonaises dont le siège européen est actuellement à Londres vont devoir ouvrir des bureaux au sein de l’UE.

« [Les régulateurs] sont mobilisés pour éviter que des entités qui gardent leurs ressources hors de l’UE ne bénéficient du passeport en créant de simples boîtes aux lettres », avertit François Villeroy de Galhau.

Mais, à la City, les avocats d’affaires cogitent pour contourner la règle, ou au moins minimiser les déménagements. Impossible, a répondu M. Villeroy de Galhau face à la chambre de commerce française de Grande-Bretagne. « [Les régulateurs] sont mobilisés pour éviter que des entités qui gardent leurs ressources hors de l’UE ne bénéficient du passeport en créant des coquilles vides ou de simples boîtes aux lettres. »

Il se veut aussi vigilant sur la question des chambres de compensation, ces organismes qui garantissent sur les marchés financiers le bon déroulement des transactions. Actuellement, 70 % des flux en euros sont réalisés à Londres. « C’est particulièrement problématique alors que ces infrastructures peuvent mettre en danger la stabilité financière de l’UE. (…) La compensation en euros doit être située là où la supervision peut réellement s’exercer. »

M. Villeroy de Galhau prend soin de préciser que l’Union européenne n’a pas l’intention de punir le Royaume-Uni. Ses propos suivent pourtant une série de déclarations tout aussi transparentes de la part des dirigeants européens.

Lundi, Michel Barnier, le négociateur européen du Brexit, a mis les choses au point pour ceux à la City qui espéreraient encore bénéficier du passeport ou d’un système équivalent. « La conséquence légale du Brexit est que les fournisseurs de services financiers du Royaume-Uni perdront leur passeport européen. »

« Avoir de la substance locale »

Le 15 novembre, la Banque centrale européenne s’est faite encore plus précise dans un texte au vitriol dans sa newsletter trimestrielle : « Les banques [installées dans l’UE] doivent avoir de la substance locale. En d’autres termes, elles ne peuvent pas être des coquilles vides ou des boîtes aux lettres. » Or, s’inquiète la BCE, elle constate que les plans de déménagement des institutions financières « tendent à pencher » vers une « coquille vide trop dépendante des entités de pays tiers ».

Pour enfoncer le clou, l’institution détaille : les banques devront avoir « des capacités de courtage locales et des comités en charge des risques locaux (y compris des infrastructures, des employés et une gestion des risques locaux) ». Quant à faire travailler des employés qui ne seraient basés que quelques jours par mois au sein de l’UE, il n’en est pas question : « L’inquiétude serait grande si les employés (…) passaient la plupart de leur temps dans un pays tiers. » Difficile de faire plus clair.