C’est par Ouagadougou, au Burkina Faso, que débutera ce lundi 27 novembre, la visite officielle d’Emmanuel Macron en Afrique. Attendue sur la scène diplomatique internationale, après un premier discours aux Nations unies en septembre, cette visite doit permettre au président français de présenter ses priorités et son engagement pour le continent africain. Une occasion de concrétiser les engagements pris en matière de solidarité internationale, en particulier celui d’affecter 0,55 % du revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement d’ici à 2022.

L’aide est vitale pour garantir l’accès aux services essentiels (santé, éducation, eau et assainissement, etc.), renforcer la gouvernance démocratique, promouvoir l’égalité hommes-femmes, fournir de l’assistance humanitaire ou encore garantir la sécurité alimentaire des populations menacées par le changement climatique. C’est notamment grâce à l’aide que des avancées contre la pauvreté ont été arrachées à la fatalité : depuis vingt ans, l’extrême pauvreté a été réduite de moitié et, depuis dix ans, les décès liés au paludisme chez les enfants de moins de 5 ans ont reculé de 58 %, tandis que nous sommes sur le point d’éradiquer la polio.

Un véritable casse-tête

Le nombre de milliardaires africains a doublé entre 2010 et 2017 et le Fonds monétaire international prévoit des taux de croissance du PIB supérieurs à 5 % pour 2017 pour quelques pays tels que l’Ethiopie, la Côte d’Ivoire, le Sénégal ou le Ghana. Mais le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté en Afrique a augmenté de 50 millions depuis 1990 : il est essentiel de ne pas relâcher nos efforts !

Emmanuel Macron sait l’importance de l’aide : il l’a exprimé aux Nations unies en septembre, en précisant qu’à l’issue de son mandat, en 2022, la part de l’aide française passerait du taux actuel de 0,38 % de la richesse nationale à 0,55 % – en deçà des engagements internationaux fixés à 0,7 % du revenu national brut, un seuil que respectent nos voisins britanniques, allemands et même turcs. Mais cette promesse et ce taux de 0,55 % représenteront pour Emmanuel Macron un énorme défi budgétaire qui, sans l’adoption de mesures fortes, pourraient se transformer en un véritable casse-tête.

Car pour concrétiser l’engagement du président de la République de porter le volume de l’aide internationale à 0,55 % du RNB, la France devra y consacrer un budget de 15 milliards d’euros en 2022, contre 9 milliards actuellement. Le gouvernement doit donc trouver et mobiliser 6 milliards d’euros supplémentaires d’ici à la fin du quinquennat. Or les moyens financiers ne suivent pas… ce que les débats au Parlement dans le cadre du budget 2018 confirment tristement. Les députés ont en effet rejeté des amendements de renforcement de la taxe sur les transactions financières, qui auraient permis de dégager l’équivalent de 10 milliards d’euros pour la lutte contre la pauvreté et le changement climatique, tandis que le Sénat a simplement refusé d’examiner la question.

Une solution toute trouvée

Avec si peu de moyens et surtout si peu d’ambition politique, comment le président de la République envisage-t-il de trouver les 6 milliards d’euros manquants pour concrétiser sa promesse ? Pour Oxfam, Emmanuel Macron aurait tout à gagner de se ressaisir de l’opportunité que représente la taxe sur les transactions financières et de remettre la question dans le débat budgétaire en cours. L’affectation de l’intégralité des revenus de la taxe sur les transactions financières à l’aide au développement et à la lutte contre le changement climatique est une solution toute trouvée pour replacer la solidarité internationale au cœur du partenariat de la France avec les pays africains.

Monsieur Macron, devenez l’ambassadeur de cette taxe d’avenir ! Votre discours de Ouagadougou constitue l’occasion ou jamais d’envoyer un message politique fort aux populations les plus vulnérables : n’oubliez pas que, comme nous, elles vous écoutent et attendent un engagement concret de la France, au-delà des beaux discours incohérents avec les orientations budgétaires actuelles.

Winnie Byanyima, femme politique et diplomate ougandaise, est directrice générale d’Oxfam International.

Claire Fehrenbach est directrice générale d’Oxfam France.