Claude Atcher avec le directeur de la Fédération française de rugby Bernard Laporte, le 15 novembre, à Londres, lors de l’annonce de l’obtention par la France de la Coupe du monde de rugby en 2023. / Dave Rodgers/World Rugby via Getty Images

De son récent séjour à Londres, Claude Atcher est revenu avec un proverbe : « Si l’on en croit Churchill, on mesure la qualité d’un homme au nombre de ses ennemis. Donc, quelque part, je dois avoir quelques qualités », devise-t-il cette semaine dans un café parisien, à deux pas des Champs-Elysées, le badge « France 2023 » encore épinglé à sa veste de costume.

Mercredi 15 novembre, la cravate en plus, le directeur de la candidature française fêtait l’obtention de la Coupe du monde de rugby 2023 dans un palace londonien. C’est la deuxième fois que la France la décroche, après celle de 2007, dont il était, déjà, le directeur. « Sans toi, Claude, nous n’en serions pas là », a lancé publiquement Bernard Laporte, président de la Fédération française de rugby (FFR), lors de ce jour de liesse. Les deux hommes sont proches, le premier louant ses services de consultant à la fédération.

Une place à part dans le monde du rugby

Claude Atcher, 61 ans, n’est pas né en Ovalie. D’abord footballeur, l’ancien stagiaire pro a joué gardien de but à Nîmes. Le rugby, il l’a découvert sur le tard : à 21 ans, dans l’équipe universitaire de Toulouse, pendant sa maîtrise de psycho. Mais il s’y est vite fait une place à part. Depuis deux décennies, il incarne les évolutions de ce sport, qui brasse de plus en plus d’argent, de plus en plus d’intérêts. De plus en plus de nations, aussi. Mongolie, Colombie, Australie, Luxembourg, Etats-Unis : Claude Atcher a vu du pays pour se rendre aux diverses assemblées des confédérations régionales, à la rencontre des grands électeurs de la fédération internationale, histoire de les convaincre un à un.

Claude Atcher (2e à gauche), avec le comité de candidature de la France à la Coupe du monde de rugby 2023. / Dave Rodgers/World Rugby via Getty Images

Le scrutin final a donné 24 voix pour la France au second tour, contre 15 pour l’Afrique du Sud, pourtant grande favorite. Le résultat d’« un stress permanent » de onze mois, résume Claude Atcher, qui a ficelé un dossier de quelque 800 pages. L’homme a du savoir-faire : en 2009, il a aussi mené à la victoire le Japon, qui deviendra en 2019 le premier pays d’Asie à accueillir le Mondial.

Même ses détracteurs lui reconnaissent ce talent. « Il est compétent et, on ne peut pas lui enlever ça, il sait de quoi il parle », reconnaît Florian Grill, membre du comité directeur de la FFR, qui ne l’apprécie guère. Avant de se rapprocher de Bernard Laporte, Claude Atcher a surtout longtemps cheminé dans l’ombre de Bernard Lapasset, qui a régné pendant près de deux décennies sur le rugby français (1991-2008).

Petits arrangements dérangeants

Pourquoi Claude Atcher a-t-il alors tant d’ennemis ? Dès 1995, un rapport du ministère des sports a reproché à Claude Atcher un douteux talent pour le « mélange des genres ». En clair, d’avoir été en position d’obtenir des faveurs pour une de ses sociétés, grâce à sa situation à la fédération. Il s’en défend toujours et le dossier a été classé sans suite. Autre sparadrap qui lui colle à la peau, une histoire de commission facturée à l’occasion de la Coupe du monde 2007, que l’Etat aurait refusé de rembourser. A l’époque, l’alerte est venue de Vincent Roux-Trescases, le directeur général du groupement d’intérêt public chargé de l’événement, qui a préféré démissionner. Dans une récente enquête de France Info, qui revient sur cette affaire, ce responsable évoque des manquements à « la probité », que Claude Atcher récuse.

Le conseiller de Laporte a attendu le 15 novembre au matin, jour du vote, pour déposer trois plaintes en diffamation avec constitution de partie civile. Deux contre Mediapart et France Info, qui ont fait ressurgir ces dossiers en septembre et novembre, et une troisième contre Vincent Roux-Trescases.

L’actuel contrat de Claude Atcher avec la FFR s’arrête le 30 novembre. Comment va-t-il désormais occuper son temps ? Mystère. Il assure avoir été contacté par la Fédération chinoise, qui veut développer le rugby. Mais la question est plutôt de savoir quel rôle il occupera dans les coulisses du pouvoir, où il sait manifestement toujours se rendre utile, lors de la Coupe du monde 2023.